A Lagos, mégalopole économique, et Abuja, capitale fédérale, les deux candidats principaux rencontrent pour l’une des dernières fois leurs électeurs dans deux meetings géants, où sont attendues des dizaines de milliers de personnes.
Pendant un mois, Buhari, candidat du Congrès des progressistes (APC), et Abubakar, du Parti populaire démocratique (PDP), principal parti de l’opposition, ont parcouru les 37 Etats que compte le Nigeria, rassemblant tous deux des cohortes de supporters impressionnantes.
Les candidats affichent et partagent les photos de foule sur les réseaux sociaux avec fierté, dans une bataille électorale féroce, qui a poussé le quotidien national The Punch à titrer vendredi: « PDP, APC: ‘Ma foule est plus grosse que la tienne' ».
En réalité, pour de nombreux experts et observateurs, les records historiques de participation aux meetings politiques sont davantage le symbole du ralentissement économique et de la pauvreté ambiante que d’un sursaut soudain de popularité pour ces deux candidats, qui ne sont pas particulièrement populaires ni charismatiques.
Les rassemblements politiques sont avant tout une occasion de récolter quelques billets, de la nourriture ou des « cadeaux » lancés par les équipes de campagne à la foule.
Le pays a plongé dans la récession économique entre 2016 et 2017, peu après l’arrivée de Muhammadu Buhari au pouvoir, et aujourd’hui la croissance peine à se relever.
– « Remettre le Nigeria au travail » –
Le géant d’Afrique est désormais le pays au monde qui compte le plus grand nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté (87 millions), devant l’Inde, selon le baromètre World Poverty Clock.
C’est d’ailleurs sur les questions économiques que l’opposant Abubakar veut faire la différence, promettant de « remettre le Nigeria au travail » (« Make Nigeria work again »).
Ancien vice-président, mais aussi homme d’affaires prospère, il défend une politique libérale pour sortir le Nigeria du marasme économique, alors que l’administration Buhari a favorisé l’interventionnisme de l’Etat sur la Banque centrale, fixant les taux de change ou interdisant les importations.
Muhammadu Buhari s’est également placé comme un politicien proche du peuple, avec sa mesure « Trader Moni », un système de micro-crédit (de 24 à 75 euros) pour 2 millions de petits commerçants dans les marchés.
« Buhari se place comme un homme d’Etat, pro-gouvernement, dans un système de nationalisation des services, alors qu’Abubakar se place comme pro-business, et veut encourager le privé », note Cheta Nwanze, analyste politique pour le cabinet SBM Intelligence, à Lagos.
« C’est nouveau dans notre pays. Nous n’avons jamais eu cela auparavant », souligne le chercheur.
Au Nigeria, pays divisé entre un Sud majoritairement chrétien et un Nord à dominante musulmane, ainsi qu’entre trois groupes communautaires majoritaires (Haoussa, Yorouba et Igbo), le choix des candidats est plus souvent basé sur sa région d’origine ou sa religion que sur les idées.
– Scrutin « très serré » –
Mais cette année, les deux candidats principaux sont tous deux Haoussas musulmans.
« Cette fois, les résultats des élections ne seront pas liés à une religion ou une ethnie », relève Tanko Yakasi, ancien politicien de 93 ans, mémoire vive de Kano et du Nigeria post-colonial. « Il n’y aura pas de sectarisme ou de tribalisme. Ce sera très serré ou Atiku pourrait l’emporter », prédit-il.
Il reste une semaine au géant économique et démographique pour pouvoir organiser un scrutin libre et démocratique, dans un pays très défaillant en termes d’infrastructures, d’accès à l’électricité ou encore de sécurité.
Des régions entières, comme dans le Nord-Est, région dévastée par près de dix ans de conflit entre l’armée et l’insurrection jihadiste de Boko Haram, sont inaccessibles, et plusieurs centaines de milliers de personnes déplacées ne pourront sans doute pas se rendre aux urnes.
Mais même pour les autres, la tâche est compliquée.
Vendredi, la Commission électorale nationale nigériane (INEC) a étendu le délai limite pour collecter les cartes d’électeurs au lundi 11 février après avoir reçu une avalanche de plaintes.
Dans les centres de collectes visités sur les réseaux sociaux, des milliers de personnes s’indignaient de ne pas avoir pu récupérer leurs cartes et d’être privées de droit de vote. (AFP/2019)