NIAMEY, 8 AOÛT (ASPAMNEWS)- Une délégation tripartite, CEDEAO, Union africaine et ONU qui devait se rendre à Niamey ce mardi 8 août 2023, a été refusée par les militaires au pouvoir. Mais avant, une émissaire américaine a échangé avec les militaires auteurs du coup d’État au Niger. Malgré des discussions « difficiles », la voie du dialogue semblait toujours sur la table.
La délégation de la CEDEAO, des Nations unies et de l’Union africaine était attendue à Niamey ce 8 août, mais elle n’a pas obtenu l’aval de la junte, selon Jeune Afrique qui souligne que ce refus a été signifié par une note verbale du ministère nigérien des Affaires étrangères.
Selon nos sources, plusieurs motifs sont avancés par les militaires pour justifier leur décision. Ces derniers évoquent, notamment, le contexte actuel du pays marqué de «colère et de révolte» des populations provoquées par les sanctions prises par la CEDEAO. Ce qui ne permettrait pas d’accueillir la délégation dans la «sérénité».
En plus, les nouvelles autorités de Niamey avancent une «nécessité de convenir au préalable […] des dates, contours et programme desdites visites».
Les militaires du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) rappellent également que les frontières terrestres et aériennes sont fermées à la suite des sanctions de la CEDEAO le 30 juillet. Toutefois, ils se disent «disponibles» à engager des discussions avec les délégations ou émissaires concernant la situation au Niger.
Une première délégation de la CEDEAO a été envoyée à Niamey le 2 août dernier, mais la mission n’a pas rempli les espoirs escomptés. En effet, cette dernière n’a pas réussi à rencontrer le président du CNSP, le général Abdourahamane Tchiani, chef de la junte, ni le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum.
L’organisation sous régionale qui avait donné un ultimatum d’une semaine aux putschistes pour rétablir l’ordre constitutionnel, a convoqué un nouveau sommet le 10 août prochain, après expiration de cet ultimatum.
Au lendemain de l’expiration de l’ultimatum de la Cedeao, une émissaire américaine a annoncé avoir eu des discussions « difficiles » à Niamey avec les militaires auteurs du coup d’État au Niger, lundi 7 août. Les États-Unis disent privilégier la voie diplomatique pour restaurer l’ordre constitutionnel, plutôt que l’intervention militaire un temps envisagée par les pays d’Afrique de l’Ouest.
Les dirigeants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) vont à nouveau se réunir jeudi à Abuja, la capitale du Nigeria, pour évoquer la situation au Niger, deux semaines après le coup d’État, a indiqué la Cedeao dans un communiqué.
Voie du dialogue
Lors d’un précédent sommet à Abuja le 30 juillet, les dirigeants ouest-africains avaient donné une semaine aux militaires nigériens pour rétablir le président élu Mohamed Bazoum, actuellement retenu prisonnier. Les chefs d’état-major de la région avaient même dessiné les « contours » d’une éventuelle intervention armée, mais elle n’a pas été déclenchée à l’expiration de l’ultimatum dimanche à 23 heures heure française.
Selon une source proche de la Cedeao, une intervention n’est pas envisagée à ce stade, et la voie du dialogue semble donc toujours sur la table. « Il est certain que la diplomatie est le moyen préférable pour résoudre cette situation. C’est la démarche de la Cedeao, c’est notre démarche et nous soutenons les efforts de la Cedeao pour rétablir l’ordre constitutionnel », a déclaré pour sa part à RFI le secrétaire d’État américain Antony Blinken.
« Ce que nous voyons au Niger est désolant et n’offre rien au pays et au peuple du Niger », a-t-il poursuivi, estimant que les États-Unis et d’autres pays allaient se retrouver « dans une position où nous devons arrêter notre soutien au Niger ».
Discussions « franches »
Une haute responsable de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, a déclaré lundi avoir rencontré à Niamey les auteurs du coup d’État. « Ces discussions ont été extrêmement franches et par moments assez difficiles », a-t-elle dit à la presse par téléphone.
Victoria Nuland, numéro deux de la diplomatie américaine par intérim, a indiqué avoir rencontré le général de brigade Moussa Salaou Barmou, nouveau chef d’état-major de l’armée, et d’autres responsables, mais n’avoir pu s’entretenir ni avec le chef des militaires au pouvoir, le général Abdourahamane Tiani, ni avec le président renversé Mohamed Bazoum.
Elle a dit avoir proposé « de nombreuses options » pour mettre fin au coup d’État, ainsi que les « bons offices » des États-Unis « s’il y avait un désir de la part des responsables de revenir à l’ordre constitutionnel », tout en ajoutant : « je ne dirais pas que cette offre a été prise en compte de quelque manière que ce soit ».
La responsable a par ailleurs précisé que le général Barmou était bien au fait de la coopération existant entre le Niger et les États-Unis, en raison de son engagement passé dans les forces spéciales. Les auteurs du coup d’État « comprennent très bien les risques que fait courir à leur souveraineté une invitation de Wagner », a déclaré l’émissaire américaine, en référence au groupe paramilitaire russe Wagner, présent notamment au Mali voisin.
De son côté, « la junte a demandé à la délégation de la Cedeao de revenir » d’ici à mardi au Niger, a déclaré lundi à TV5 Monde le premier ministre nigérien déchu Ouhoumoudou Mahamadou. Cette délégation, arrivée jeudi à Niamey, était repartie quelques heures plus tard sans avoir pu rencontrer ni le général Tiani ni M. Bazoum.
Premier ministre nommé
Plusieurs voix africaines ont rejeté ces derniers jours l’option militaire. Une intervention militaire pourrait être « une catastrophe », a prévenu lundi à Bamako le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop.
L’Algérie, autre voisin du Niger et acteur majeur dans le Sahel, s’est également déclarée opposée à une intervention. Certains pays occidentaux, comme l’Allemagne et l’Italie, ont eux aussi plaidé pour une solution diplomatique.
Une délégation conjointe Mali-Burkina Faso a été envoyée à Niamey en soutien aux militaires nigériens. « Nous avons réitéré » la « décision des présidents (malien Assimi) Goïta et (burkinabé Ibrahim) Traoré de participer pleinement aux opérations de légitime défense aux côtés des Forces de défense et de sécurité nigériennes », a affirmé le porte-parole du gouvernement malien Abdoulaye Maïga.
Le Burkina Faso et le Mali, voisins du Niger eux aussi gouvernés par des militaires et confrontés à la violence des groupes djihadistes, ont souligné ces derniers jours qu’une intervention armée serait « une déclaration de guerre » à leurs deux pays.
Peu avant la fin de l’ultimatum fixé par la Cedeao, ils ont annoncé fermer l’espace aérien du Niger« jusqu’à nouvel ordre ». « Tout État impliqué sera considéré comme cobelligérant », ont-ils ajouté.
Les militaires ont annoncé lundi soir la nomination d’un premier ministre, Ali Mahaman Lamine Zeine, ancien ministre des finances du président Mamadou Tandja, et celle d’Habibou Assoumane, nouveau commandant de la garde présidentielle. (SPM/2023)