SENEGAL/PRESIDENTIELLE: 20 candidats retenus, des anomalies dans le fichier électoral

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DAKAR, 22 JANVIER (ASPAMNEWS)- Au total, 20 candidats ont été retenus par les 7 juges constitutionnels qui ont invalidé par ailleurs Karim Wade pour sa double nationalité et Ousmane Sonko du fait de sa condamnation dans l’affaire Mame Mbaye Niang. Mais un constat pas des moindres se dégage: des anomalies constates dans l’évolution des électeurs sur le fichier électoral par régions durant la période 2019 et 2023.

Le Conseil constitutionnel a procédé, le samedi 20 janvier dernier à la publication de la liste officielle des candidats autorisés à prendre part à cette 13ème élection présidentielle du Sénégal. Et ce, selon les dispositions de l’article 30 de la constitution stipulant que « Trente-cinq jours francs avant le premier tour du scrutin, le Conseil constitutionnel arrête et publie la liste des candidats ».

A l’exception de Karim Wade dont la candidature a été déclarée irrecevable par le Conseil constitutionnel, tous les autres candidats qui avaient passé l’étape du parrainage, retenus dans la première liste publiée le 12 janvier, sont autorisés par les 7 juges constitutionnels à participer au scrutin du 25 février.

Il s’agit entre autres de : Boubacar Camara, Cheikh Tidiane Dièye, Déthié Fall, Daouda Ndiaye, Habib Sy, Khalifa Ababacar Sall, Anta Babacar Ngom, Amadou Ba, Rose Wardini, Idrissa Seck. mais aussi de Aliou Mamadou Dia, Serigne Mboup, Papa Djibril Fall, Mamadou Lamine Diallo, Mahammed Boun Abdallah Dionne, El Hadji Malick Gakou, Aly Ngouille Ndiaye, El Hadji Mamadou Diao, Bassirou Diomaye Diakhar Faye et Thierno Alassane Sall.

Une présidentielle à 20 candidats, une première au Sénégal depuis 1960

L’élection présidentielle du 25 février prochain va opposer 20 candidats sur les 21 qui avaient franchi l’étape du parrainage. C’est une première dans l’histoire politique du Sénégal qu’on enregistre autant de candidats à une élection présidentielle. Le record des candidatures était jusqu’ici détenu par la présidentielle de 2007.

Outre la candidature du président sortant, Me Abdoulaye Wade, le Conseil constitutionnel avait validé le dossier de 15 autres postulants au fauteuil présidentiel. Ce qui faisait qu’au final on avait au total beaucoup moins de candidats. Cinq ans après, lors de la présidentielle de 2012, ce nombre de candidatures a sensiblement baissé à 14, suite à l’invalidation de trois dossiers dont ceux de Youssou Ndour, Kéba Keinde et Abdourahmane Sarr.

Cette régression des candidatures s’est poursuivie en 2019 lors de la dernière présidentielle avec la mise en œuvre de la nouvelle loi qui généralise le parrainage à tous les candidats à des élections (0,5% du corps électoral pour les législatives et 0,8% du corps électoral pour la présidentielle), qui a favorisé un faible nombre de candidats (05) avec l’absence pour une première fois des partis historiques comme le Parti socialiste (Ps), le Parti démocratique sénégalais (Pds), l’Alliances des forces de progrès (Afp).

Le Conseil constitutionnel sur les recours du Collectif des recalés

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de samedi, est revenu sur les recours déposés par certains membres du Collectif des candidats déclarés à la prochaine présidentielle recalés à l’étape de contrôle du parrainage. Dans leur décision n°2/E/2024 portant liste des candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024, le président du Conseil constitutionnel, Mamadou Badio Camara et ses collègues ont déclaré irrecevables toutes ces réclamations.

Il en est de même pour les réclamations portant sur les rejets des parrains détenteurs des pièces d’identité avec de données électorales portées par plusieurs candidats déclarés invalidés par la commission de contrôle des parrainages dont l’ancien ministre du Budget, Birima Mangara.

Dans son considérant 41, le Conseil a motivé sa décision sur cette question par le fait que « le rejet d’un parrain sous la mention « non identifié au fichier général» ne signifie pas nécessairement que celui-ci n’est pas inscrit audit fichier ».

Mieux poursuit toujours le Conseil dans ce considérant 41 « le contrôle automatisé exige une concordance parfaite des données inscrites sur la fiche de parrainage avec celles figurant sur le fichier général des électeurs » mais aussi «qu’une transcription inexacte de l’un des éléments d’identification de l’électeur, en l’occurrence les prénoms, nom, numéro d’identification nationale, numéro de la carte d’électeur, circonscription électorale d’inscription ou date d’expiration de la carte nationale d’identité CEDEAO figurant sur la fiche de parrainage, entraine l’impossibilité pour le dispositif informatique d’identifier le parrain dans le fichier général des électeurs ; »

Loin de s’en tenir-là, le Conseil constitutionnel a par ailleurs tenu à préciser que « la notion de doublon externe ne se définit pas en fonction de la présence du parrain sur le fichier général des électeurs, mais résulte plutôt du fait qu’il figure sur une ou plusieurs fiches de parrainages précédemment vérifiées ».

La candidature de Sonko emportée par l’affaire Mame Mbaye Niang

Arrivé 3e lors de l’élection présidentielle du 26 février 2019 dernier, le maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko manquera le rendez-vous du 25 février. En effet, le Conseil constitutionnel qui a procédé à la publication de la liste des candidats autorités à prendre part à ce scrutin, a déclaré irrecevable sa candidature.

Les 7 membres du Conseil constitutionnel ont motivé leur décision de rejet par arrêt n°1 du 4 janvier 2024, rendu par la Cour suprême, dans la procédure de diffamation qui opposait Mame Mbaye Niang et le leader du parti Pastef dissout par décret présidentiel du 31 juillet et qui fait l’objet d’un recours.

« Considérant qu’aux termes de l’article L.125 du Code électoral, « pour s’assurer de la validité́ des candidatures déposées (…), le Conseil constitutionnel fait procéder à toute vérification qu’il juge utile » ; que par arrêt n°1 du 4 janvier 2024, transmis par la Cour suprême, celle-ci a rejeté́ le pourvoi d’Ousmane Sonko dirigé contre l’arrêt n » 137 du 8 mai 2023 rendu par la première chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Dakar, dans la procédure de diffamation qui l’opposait à Mame Mbaye Kan Niang; qu’il en résulte qu’Ousmane Sonko se trouve définitivement condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois avec sursis; que cette condamnation le rend inéligible pour une durée de 5 ans, en application de l’article L.30 du Code électoral ; que la requête est rejetée » a décidé le Conseil constitutionnel.

Il faut dire qu’avec cette décision, l’Etat vient ainsi d’obtenir gain de cause dans le cadre de son bras de fer avec Ousmane Sonko engagé depuis 2021 autour de son éligibilité. Cependant, il faut également souligner que nonobstant cette invalidation de la candidature de Sonko du fait de l’affaire Mame Mbaye Niang, le Conseil constitutionnel a par ailleurs débouté la Direction générale des élections (Dge) et la Caisse des Dépôts et Consignations (Cdc) qui avaient refusé de délivrer des fiches de parrainages et l’attestation confirmant le versement de sa caution dans le but de rendre incomplet son dossier de candidature.

En effet, dans son Considérant 16, le Conseil constitutionnel a estimé que I ‘absence de l’attestation de versement de la caution et des fiches de parrainage est le résultat du refus des autorités administratives compétentes ; que s’il est vrai, que le dossier d’Ousmane Sonko ne contenait pas toutes les pièces exigées par la loi, il est tout aussi vrai que ce fait ne saurait lui être reproché, puisqu’il est indépendant de sa volonté ».

Des anomalies dans le fichier électoral

Ndongo Samba Sylla sonne l’alerte sur le processus électoral en cours en vue de la présidentielle du 25 février prochain. S’exprimant sur son dernier ouvrage co-édité avec la journaliste française Fanny Pigeaud et intitulé « De la démocratie en Françafrique, Une histoire de l’impérialisme électoral », lors de son passage une émission, dimanche 21 janvier, a indiqué que l’évolution des électeurs sur le fichier électoral par régions laisse constater des anomalies durant la période 2019 et 2023.

« Le fichier électoral n’a pas été à l’avantage de l’opposition. Nous avons constaté une croissance figurante de l’électorat dans les zones favorables au pouvoir.

Dans les zones favorables à l’opposition, nous avons constaté que la croissance électorale a été moindre. Il faut juste comparer les données démographiques de l’Agence nationale de la statistique et de la démographique (Ansd) et les données électorales du ministère de l’Intérieur », a fait remarquer l’invité de Baye Oumar Guèye.

Poursuivant son explication, Ndongo Samba Sylla a indiqué que la région de Dakar qui représentait 30% de l’électorat en 2012 avant l’érection de Keur Massar en département connait une faible croissance de sa population électorale par rapport au Fouta: Podor département et la région de Matam qui ont connu une hausse de leur population électorale de 150 000 entre 2012 et 2019 alors qu’ils  représentaient 6% de l’électoral en 2012 loin derrière Dakar avec « 30%).

Toujours par rapport aux anomalies qu’ils ont constatées dans l’évolution des électeurs sur le fichier électoral par régions dans le cadre de leur ouvrage, Ndongo Samba Sylla s’est également interrogé sur les données du dernier recensement général qui, selon lui, ont fait état de deux tiers (2/3) soit 60% de la population locale dans le « Fouta » qui n’ont pas de pièces valides ».

« Ces 60% de la population n’ont pas de carte d’identification valide, pas de jugement supplétif délivré quand on n’a pas été déclaré à la naissance. Quand on est en face de cette situation, on se dit que cette évolution de la population électorale dans cette partie nord du pays n’est pas explicable. Il y’a quelque chose qui cloche », a-t-il martelé. (FTB/2024)

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