HANDLOVA, 15 MAI (ASPAMNEWS)- Le dirigeant populiste, soutien de la Russie, a été visé par des tirs, évacué d’urgence puis hospitalisé. « Les prochaines heures seront décisives », selon sa page Facebook officielle. Le mobile de l’attaque n’est pas encore connu. Un suspect a été arrêté.
Les faits ont eu lieu à Handlova, ville située à quelque 150 kilomètres au nord-est de la capitale, selon la chaîne de télévision slovaque TA3. Selon la chaîne d’information, citée par Reuters, l’assaillant a tiré à quatre reprises sur le dirigeant prorusse. Un suspect a été arrêté. Le vice-président a ajourné l’actuelle session au Parlement jusqu’à nouvel ordre.
Ce mercredi 15 mai, le soleil brillait au-dessus de Handlová, petite ville du centre de la Slovaquie. Sur la place devant la Maison de la culture, une petite foule s’était massée derrière des barrières pour saluer Robert Fico, de passage dans la commune pour un Conseil des ministres délocalisé.
Le Premier ministre serrait des mains quand plusieurs coups de feu ont retenti. «Une des personnes qui attendait a commencé à tirer», a raconté le journaliste Juraj Búry au quotidien Hospodárske Noviny. Sur une vidéo tournée par une chaîne de télévision locale, on aperçoit un homme tirer à bout portant sur le chef du gouvernement. Très vite, Fico, 59 ans, a été extrait de la foule par son service d’ordre, ses jambes se dérobant sous lui.
Il a été transféré par hélicoptère à l’hôpital de Banská Bystrica, où il a été débarqué dans une civière, caché sous un drap. «Il faudrait trop de temps pour arriver à Bratislava. Les prochaines heures seront décisives», indiquait son compte officiel sur Facebook, qui précisait aussi : «Le Premier ministre souffre de plusieurs blessures et sa vie est en danger.» A cette heure, il n’existe pas plus d’information sur son état de santé.
A Handlová, le suspect a été arrêté presque immédiatement. Sur quelques photos publiées par l’agence TASR, on voit un homme en jean et chemise maintenu à terre par des agents de police. Selon plusieurs médias, il s’agirait d’un homme de 71 ans, originaire du sud du pays. «Il travaillait par le passé comme agent de sécurité dans un centre commercial et il écrivait des poèmes.
Il y a huit ans, il avait annoncé sur Internet qu’il collectait des signatures pour créer un parti politique», indique le quotidien Denník N. A l’époque, il écrivait : «La violence est souvent une réaction des gens, une forme d’expression d’un mécontentement face à une situation.
Soyons insatisfaits, mais pas violents !» Son fils, contacté par le média Aktuality.sk, a confirmé que son père avait un permis de port d’armes. «Je n’ai absolument aucune idée de ses intentions. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’a pas voté pour Fico.»
Tensions politiques
Au même moment, au Parlement, l’ambiance était loin d’être au recueillement. «C’est de votre faute», a lancé à l’opposition le vice-président de la Chambre Lubos Blaha. La séance a été suspendue, mais la rengaine a continué. «Toute l’opposition haineuse a du sang sur les mains», a renchéri le vice-Premier ministre Tomás Taraba.
Le climat politique est tendu en Slovaquie depuis la victoire électorale de Robert Fico en septembre. Le Premier ministre, qui occupe ce poste pour la quatrième fois, a fait adopter plusieurs textes jugés inquiétants pour la démocratie. Le parquet spécial qui enquêtait sur le crime organisé a été supprimé, et le code pénal réformé pour réduire les peines encourues pour les crimes financiers et la corruption.
Une réforme taillée sur-mesure pour des proches de Fico, poursuivis par la justice pour des abus commis lors de leurs précédents passages au pouvoir. Le Premier ministre, lui-même, a été poursuivi pour la formation d’un «groupe criminel organisé».
En réponse, l’opposition libérale a organisé de grandes manifestations dans le pays. La coalition, formée du Smer populiste de Robert Fico, de son allié du Hlas et du parti d’extrême droite SNS, les a accusés de ne pas accepter le résultat des élections.
Ce mercredi, l’opposition libérale a réagi avec modération à la fusillade. Une manifestation prévue pour défendre l’indépendance de la télévision publique, elle aussi menacée par le gouvernement, a été annulée.
«Nous condamnons absolument et fermement les violences et la fusillade d’aujourd’hui contre le Premier ministre, Robert Fico. Nous appelons aussi tous les hommes politiques à s’abstenir de déclaration ou d’action susceptibles de contribuer à l’escalade des tensions», a déclaré son leader, Michal Simecka.
Journaliste assassiné
Un appel qui n’a pas été entendu par tous. Andrej Danko, le président du parti d’extrême droite SNS a prévenu qu’une «guerre politique» commençait, en menaçant les médias et les membres du précédent gouvernement de représailles. Rapidement, des rumeurs ont circulé sur l’appartenance supposée du tireur au parti d’opposition Slovaquie progressiste.
En parallèle, dans la sphère complotiste, particulièrement active dans le pays, des doigts pointaient déjà vers l’Ukraine. Pour les adeptes des théories du complot, le positionnement pro-russe du Premier ministre slovaque et son opposition à l’aide militaire à l’Ukraine en auraient fait une cible des services ukrainiens. Volodymyr Zelensky a vite répondu : «L’attaque contre Robert Fico est terrifiante. Nous condamnons fermement cet acte de violence».
Cette fusillade est d’autant plus inquiétante que la Slovaquie a déjà été ébranlée par des épisodes violents. En 2019, ke jouraliste d’investigation Jan Kuciak a été assassiné, aux côtés de sa petite amie, alors qu’il menait une enquête sur les liens entre la mafia calabraise et des oligarques slovaques proches du pouvoir. A l’époque, la révélation de liens entre le Smer et des hommes proches du crime organisé avaient poussé Robert Fico à démissionner.
«Une attaque physique contre le Premier ministre est une attaque contre une personne, mais aussi contre la démocratie. La rhétorique haineuse qui traverse la société mène à des crimes de haine. Arrêtons cela !» a lancé la présidente libérale sortante, Zuzana Caputova, qui quittera son fauteuil le mois prochain. Elle-même a renoncé à se représenter après des menaces de mort contre sa famille.
A l’étranger, plusieurs dirigeants européens ont exprimé leur consternation et leur solidarité envers le Premier ministre slovaque. «La violence ne peut pas avoir sa place dans la politique européenne», a réagi le chancelier allemand, Olaf Scholz, se disant «bouleversé par ce lâche attentat».
Condamnant une «attaque ignoble», la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a martelé sur X (ex-Twitter) que «de tels actes de violence n’ont pas leur place dans notre société et portent à la démocratie, notre bien commun le plus précieux». (SKP/2024)