WASHINGTON, 11 SEPTEMBRE (ASPAMNEWS)–Lors d’un débat animé, mardi 10 septembre, organisé à moins de deux mois de l’élection présidentielle, la candidate démocrate Kamala Harris a cherché à mettre l’ancien président américain sur la défensive. Avec succès.
Dès son arrivée devant les caméras de la chaîne ABC News à Philadelphie (Pennsylvanie), mardi 10 septembre, Kamala Harris a affiché la couleur. La vice-présidente s’est dirigée vers Donald Trump pour lui serrer la main. « Je suis Kamala Harris », a-t-elle dit. « Ayons un bon débat. » Le républicain a paru quelque peu surpris. « Ça fait plaisir de vous voir. Amusez-vous bien. »
Kamala Harris et Donald Trump étaient l’un et l’autre venus moins pour ferrailler que pour déballer des arguments aiguisés d’avance, des slogans, des prophéties et des ambitions pour le pays déjà connus de la plupart des suiveurs de la campagne.
Chacun dans son couloir, sûr de sa vision et de sa force, l’un serinant que l’Amérique est en déclin, et promise à la troisième guerre mondiale depuis qu’on lui en a retiré la garde ; l’autre martelant sa conviction que la nation n’attend que de «tourner la page» afin de poursuivre sa marche vers plus de progrès, d’équité, de liberté – et ne surtout pas revenir en arrière.
Facile pour Kamala Harris d’attaquer l’ancien président républicain sur le sujet de l’avortement : il a nommé pendant son mandat trois juges conservateurs à la Cour suprême qui ont aboli la garantie fédérale à l’interruption volontaire de grossesse en 2022.
C’est pourtant elle qui a d’abord dû se défendre des fake news de Trump sur le sujet. «J’avais prévenu que nous allions entendre un tissu de mensonges», a-t-elle taclé, alors que Donald Trump venait de dire que les démocrates permettaient que des bébés soient exécutés après la naissance.
«Nulle part en Amérique, une femme ne va aller au terme de sa grossesse pour demander un avortement. Ça n’arrive jamais. C’est insultant pour les femmes d’Amérique», a-t-elle poursuivi, énumérant les situations de détresse dans lesquelles ont pu se retrouver des femmes vivant dans des Etats ayant sévèrement restreint le droit à l’avortement.
Donald Trump souffle le chaud et le froid ces derniers temps sur cette question éminemment sensible, l’opinion publique américaine étant majoritairement favorable au droit à l’IVG. En renvoyant le sujet aux Etats, «j’ai rendu un énorme service» aux Etats-Unis, a-t-il assuré sans convaincre.
Trump relaie une fake news crasse et xénophobe
«A Springfield, ils mangent des chiens, les gens qui viennent (des migrants, ndlr), ils mangent des chats. Ils mangent les animaux de compagnie des habitants», a lâché sans sourciller Donald Trump, reprenant ainsi l’accusation mensongère qui se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux à propos de migrants dans cette ville de l’Ohio, au nord-est des Etats-Unis. Le tout sous le regard effaré de sa rivale et du modérateur, le journaliste David Muir, qui a répété à plusieurs reprises qu’aucune preuve n’est venue étayer cette affirmation.
Des ténors républicains – jusqu’au colistier de Donald Trump -, ainsi que le milliardaire Elon Musk, colportent depuis quelques jours cette thèse, démentie par les autorités. Le candidat républicain a aussi faussement affirmé que «des millions de personnes» affluaient aux Etats-Unis «depuis les prisons, les établissements psychiatriques et les asiles d’aliénés» de l’étranger pour commettre des crimes.
Rappels utiles : les crimes violents et contre les biens des personnes sont proches de leurs niveaux les plus bas depuis des décennies, selon les données du FBI de 2022, les plus récentes disponibles. Une étude publiée en juin 2023 a montré un déclin des taux d’incarcération parmi les immigrants, toutes nationalités confondues, depuis 1960. D’autres ont montré que les migrants commettent moins de crimes violents que les citoyens américains.
Harris attaque sur Poutine, Trump sur Israël
Comme de coutume dans le cadre de ces débats présidentiels, la politique étrangère n’a guère dominé la conversation. Mais en quelques phrases assassines, les deux candidats ont mis en avant des visions du monde radicalement opposées.
Le président russe Vladimir Poutine «ne ferait qu’une bouchée» de Donald Trump et serait d’ores et déjà installé à Kyiv si le candidat républicain était à la Maison Blanche, a accusé Kamala Harris en soulignant, par ailleurs, que le républicain était «la risée» des dirigeants internationaux. Donald Trump a contre-attaqué en se ventant d’avoir le soutien, ô combien glorieux, du président hongrois Viktor Orban, et en accusant Kamala Harris de «détester Israël». «Si elle devient présidente, je crois qu’Israël n’existera plus d’ici deux ans», a ajouté l’ancien président.
Qui a détruit l’économie ?
Pouvoir d’achat, inflation ou position de la démocrate sur le gaz et le pétrole de schiste, les sujets d’affrontement sur le volet économique n’ont pas manqué. Ce n’est pas surprenant : l’économie est considérée comme le principal sujet par les électeurs, selon une enquête réalisée début septembre par Siena pour le New York Times.
A chaque sujet ou presque, chacun a accusé son adversaire soit d’avoir vendu les Etats-Unis à une puissance étrangère, soit d’avoir détruit l’économie. «Il a vendu des semi-conducteurs américains à la Chine pour les aider à améliorer et moderniser leur armée, a accusé Kamala Harris. Il nous a grosso modo vendu alors qu’une politique vis-à-vis de la Chine devrait s’assurer que les Etats-Unis remporteront la compétition du XXIe siècle.»
Faisant référence à la hausse des droits de douane mise en place durant son mandat par Donald Trump, Kamala Harris a aussi estimé qu’il avait «lancé des guerres économiques», tant avec la Chine que l’Union européenne. Quant à la proposition du républicain d’imposer 10 % à 20 % de droits de douane sur l’ensemble des importations, la démocrate y a vu un «impôt sur la consommation», qui pèsera au final sur le consommateur américain.
Donald Trump a répliqué en soulignant que le président démocrate sortant, Joe Biden, avait conservé les droits de douane qu’il avait mis en place sur un certain nombre de produits chinois. Il a surtout attaqué Kamala Harris sur la question du gaz et du pétrole de schiste, un sujet sensible en Pennsylvanie, Etat-clé où le débat avait lieu, assurant qu’«elle n’autorisera plus jamais» la fracturation hydraulique dans cet Etat – référence à une remarque d’Harris qui assurait en 2019, qu’elle interdirait la pratique (ce qu’elle n’a finalement pas fait). Donald Trump a également accusé le gouvernement actuel d’avoir détruit l’économie américaine, prenant pour exemple la forte inflation observée, en particulier en 2022 et 2023.
Taylor Swift prend enfin position
Et si, finalement, le plus grand moment du débat s’était déroulé hors de caméras et loin de Philadelphie ? Depuis des mois, la position de la super-star Taylor Swift au sujet de la présidentielle était attendue. Dans la nuit de mardi à mercredi, sans grande surprise, la chanteuse a officialisé son soutien à Kamala Harris, dans une publication sur Instagram.
«Je pense qu’elle est une dirigeante douée et solide», a ajouté Taylor Swift dans un long message, qu’elle a signé «vieille fille à chat» («childless cat lady») et agrémenté d’une photo d’elle avec son chat. Une référence directe à une déclaration polémique et empreinte de clichés misogynes du colistier du candidat républicain Donald Trump, J.-D. Vance, visant les femmes sans enfant. En quatre heures, la publication avait été aimée plus de 5,7 millions de fois. (DBP/2024)