BEYROUTH, 20 SEPTEMBRE (ASPAMNEWS)-Israël a poursuivi ses raids aériens dans le sud du Liban, affirmant avoir visé notamment des systèmes lance-roquettes du mouvement islamiste. Selon l’agence de presse libanaise Ani, l’aviation israélienne a frappé le sud du Liban au moins 52 fois.
En quelques heures, Israël a bel et bien fait glisser le centre de gravité de ses opérations de Gaza vers sa frontière avec le Liban, comme l’annonçait mercredi le ministre de la défense, Yoav Gallant. Au lendemain d’une centaine de frappes effectuées jeudi 19 septembre sur des cibles du Hezbollah, à travers le pays du Cèdre, l’aviation israélienne en a mené de nouvelles, vendredi matin, sur le sud du Liban et dans la banlieue sud de Beyrouth, fiefs du mouvement islamiste libanais.
L’attaque, survenue dans des places fortes du Hezbollah en banlieue sud de Beyrouth, ainsi que dans le sud et l’est du Liban, a fait en deux jours 37 morts et 2 931 blessés. L’ONU et Washington ont mis en garde contre une « escalade » après cette attaque sans précédent qui a encore ravivé les craintes d’un embrasement du Proche-Orient, près d’un an après le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, allié du Hezbollah, dans la bande de Gaza. Le président français Emmanuel Macron a adressé jeudi un message vidéo aux Libanais, leur assurant qu’un « chemin diplomatique existe ».
Alors qu’Hassan Nasrallah prononçait son discours, l’aviation israélienne a survolé Beyrouth à basse altitude, franchissant le mur du son. Israël a aussi poursuivi ses raids aériens dans le sud du Liban, disant avoir visé notamment des systèmes lance-roquettes du Hezbollah « prêts à être utilisés immédiatement pour tirer sur le territoire israélien ». Au total, elle a affirmé avoir frappé jeudi « environ 100 lanceurs » et d’autres infrastructures « représentant environ 1 000 canons ».
Selon l’agence de presse libanaise Ani, l’aviation israélienne a frappé le sud du Liban au moins 52 fois. Ces bombardements ont été parmi les plus intenses depuis le début des échanges de tirs à la frontière israélo-libanaise en octobre 2023. Le Hezbollah a de son côté revendiqué jeudi au moins 17 attaques contre 14 cibles militaires dans le nord d’Israël.
La première vague d’explosions de bipeurs est survenue mardi peu après l’annonce par Israël qu’il étendait ses objectifs de guerre jusqu’au front nord, c’est-à-dire la frontière avec le Liban, pour permettre le retour chez eux de dizaines de milliers d’habitants du nord du pays.
Ces derniers ont été déplacés par les affrontements transfrontaliers, quasi-quotidiens depuis bientôt un an entre l’armée israélienne et le Hezbollah, qui affirme agir en soutien au Hamas. « Vous ne pourrez pas ramener les habitants du nord » chez eux, a rétorqué Hassan Nasrallah aux dirigeants israéliens. « Le front du Liban avec Israël restera ouvert jusqu’à la fin de l’agression à Gaza », a-t-il affirmé.
Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, avait annoncé mercredi que le « centre de gravité » de la guerre se déplaçait « vers le nord ». Les principaux objectifs affichés jusqu’à présent étaient la destruction du Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, et le retour des otages retenus dans le territoire palestinien. « Nous menons nos tâches simultanément », a souligné M. Gallant. Les opérations militaires contre le Hezbollah « vont continuer », a assuré jeudi Yoav Gallant.
Selon un responsable libanais de la sécurité, les appareils de transmission utilisés par des membres du Hezbollah « étaient préprogrammés pour exploser ». Une enquête préliminaire des autorités libanaises montre que les appareils ont été piégés avant d’entrer dans le pays, selon une lettre de la mission libanaise à l’ONU vue jeudi par l’AFP. Le chef de la diplomatie libanaise, Abdallah Bou Habib, a annoncé le dépôt d’une plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU suite à « l’agression cyberterroriste israélienne qui constitue un crime de guerre ».
Les Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran, ont promis « une réponse écrasante du front de la résistance », le nom donné par l’Iran aux groupes armés de la région hostiles à Israël. Le président américain Joe Biden pense néanmoins « faisable » une résolution diplomatique du conflit entre Israël et le Hezbollah : c’est « la meilleure option », a souligné jeudi la porte-parole de la Maison Blanche.
Pendant ce temps, les frappes se poursuivent à Gaza, assiégée et plongée dans une crise humanitaire majeure. Selon la Défense civile, deux frappes israéliennes ont fait au moins 14 morts vendredi matin. L’une d’elles a visé une maison du camp de Nousseirat, dans le centre du territoire, faisant huit morts, tandis que six personnes, dont des enfants, ont été tués dans le bombardement d’un immeuble dans la ville de Gaza, dans le nord, selon cette source.
La guerre a éclaté le 7 octobre 2023, quand des commandos du Hamas ont mené une attaque sans précédent sur le sol israélien, qui a entraîné la mort de 1 205 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur les chiffres officiels israéliens qui inclut les otages morts ou tués en captivité dans la bande de Gaza.
Sur les 251 personnes enlevées pendant l’attaque, 97 sont toujours retenues à Gaza, dont 33 ont été déclarées mortes par l’armée. Plus de 41 272 Palestiniens ont été tués dans la campagne militaire israélienne lancée en représailles sur la bande de Gaza, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas à Gaza, jugées fiables par l’ONU.
« Je n’ai rien vu de tel depuis le début de la guerre »
Le retour au calme dans le nord semble donc loin d’être imminent. Ceux restés dans les régions proches de la frontière sont appelés à rester près des abris. Quoique affaibli par le coup sévère porté à ses moyens de communication, via les sabotages de mardi et mercredi, le mouvement islamiste libanais poursuit également ses tirs de missiles, de roquettes et de drones, sur le nord d’Israël.
Vendredi midi, quelque 140 roquettes avaient été tirées, selon l’armée israélienne. Trois sites militaires israéliens ont notamment été visés. Des cibles « classiques » de cette guerre d’attrition, bien loin des menaces proférées jeudi par le secrétaire général du mouvement, Hassan Nasrallah, qui a promis « un terrible châtiment et une juste rétribution, là où il s’y attend et là où il ne s’y attend pas ».
Dans la ville de Metula, à la frontière, les tirs du mouvement chiite pro-iranien ont déjà causé des « dégâts considérables ». Son maire, David Azoulay, affirme même dans un communiqué n’avoir « rien vu de tel depuis le début de la guerre ». Deux soldats israéliens ont également été tués, et neuf blessés, jeudi dans des frappes de missiles et de drones.
Face à cette escalade, présentée par Yoav Gallant comme une « nouvelle phase de la guerre », l’armée israélienne a redéployé des forces, comme la 98e division, composée de brigades de parachutistes et de commandos, jusque-là stationnées dans la bande de Gaza, pour renforcer la 36e division présente dans le nord depuis des mois.
Des réservistes supplémentaires ont également été appelés, notamment dans la défense aérienne et dans le personnel médical. Le pouvoir politique et militaire n’a certes pas annoncé la décision d’élargir le conflit, mais ce choix marque un changement significatif pour la bande de Gaza, laissant supposer que l’armée n’a plus besoin d’autant d’effectifs : avec ce départ, il ne reste plus que deux divisions, la 162e et la 252e, dans l’enclave palestinienne.
« Cela revient à abandonner nos otages »
Le ministre de la défense a beau assurer que le pays « poursuivra et mènera à bien les efforts visant à restituer les otages et à démanteler le Hamas » « dans le même temps », ce glissement vers le front nord suscite de fortes craintes. À l’échelle nationale d’abord.
« Je suis très inquiet à l’idée que le centre de gravité se déplace au nord, car cela revient à abandonner nos otages », affirme Amir Tibon, lui-même rescapé du 7 octobre (1) et originaire d’un kibboutz dont huit habitants ont été capturés. « Si on déplace nos forces de Gaza dans le nord, qu’adviendra-t-il des otages ?, s’interroge ce journaliste au quotidien Haaretz.Sachant que la motivation du Hamas a toujours été que les otages lui permettent de récupérer ses prisonniers et de mettre un terme à la guerre.
Si on déplace nos forces de Gaza vers le nord, cela signifie qu’il y a moins de pression sur Gaza et que le Hamas peut garder les otages indéfiniment jusqu’à une meilleure proposition d’Israël. C’est très inquiétant. »
L’autre préoccupation liée à l’ouverture du front nord est à l’échelle régionale. Les chancelleries occidentales exhortent les parties à privilégier la solution diplomatique, inquiètes d’une éventuelle implication de l’Iran, parrain du Hezbollah, qui s’est jusqu’à présent tenu à une relative distance des hostilités.
« Cette guerre d’attrition a atteint un tel niveau d’intensité qu’elle risque de plus en plus de devenir une guerre majeure, estime Meir Elran, analyste à l’Institute for National Security Services (INSS). La détérioration peut survenir à n’importe quel moment. Il suffit d’une erreur. La perspective d’une guerre à grande échelle est très sérieuse », redoute l’ex-directeur adjoint du renseignement militaire israélien.
Rappelons qu’il s’agit de la troisième frappe de ce type sur la banlieue sud de Beyrouth depuis le début de la guerre à Gaza et l’ouverture du front par le Hezbollah contre Israël en soutien à son allié, le Hamas. La première, le 2 janvier, a tué Saleh el-Arouri, le numéro deux du bureau politique du Hamas, ainsi que six autres personnes.
La deuxième, le 30 juillet, a coûté la vie au commandant militaire de haut rang du Hezbollah, Fouad Chokor, ainsi qu’à deux enfants et trois femmes. Selon la chercheuse Randa Slim, du cercle de réflexion Middle East Institute à Washington, Ibrahim Akil avait remplacé Fouad Chokor. (SGP/2024)