CONAKRY, 3 DECEMBRE (ASPAMNEWS)- Suite à un mouvement de foule lors d’un match de foot dédié au chef de la junte qui dirige la Guinée, ayant causé de décès d’au moins 56 supporteurs dimanche dernier, un deuil de trois jours où le drapeau sera en berne dans tout le pays ont été décrétés.
Les évènements de N’Zérékoré, d’abord présentés comme des heurts entre supporteurs, ont été déclenchés par l’expulsion d’un joueur à la fin de la partie entre le club local et celui de Labé en finale d’un tournoi organisé en l’honneur du chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya, ont indiqué des témoins. Des supporteurs ont envahi le terrain. Des témoins indiquent que certains s’en sont pris à la tribune officielle, provoquant l’intervention des forces de sécurité.
« Les manifestations de mécontentement vis-à-vis des décisions arbitrales ont entraîné des jets de pierre de la part des supporteurs, provoquant des bousculades mortelles », selon le communiqué du gouvernement.
Fecely Konaté est un journaliste basé à à N’Zérékoré, témoin des faits raconte: « Dans le stade, c’était le sauve qui peut, il y en a qui ont tenté d’escalader le mur pour sortir et c’est là qu’il y a eu des cas de blessés et de morts. Le gouvernement fait état de 56 morts, mais le bilan pourrait s’alourdir. Jusque-là, il y a des familles qui continuent de rechercher les corps de leurs proches. », a-t-il déclaré.
Et d’ajouter : « Je viens de l’hôpital où il y a encore beaucoup de familles mobilisées. Il faut dire aussi que la ville est militarisée parce que le commissariat urbain a été incendié par des jeunes manifestants. »
Le Front national de défense de la Constitution, une des dernières voix dissidentes à pouvoir encore se faire entendre en Guinée, a exprimé dans un communiqué son « indignation » après le drame de N’Zérékoré, parle de « campagne de propagande » et « tient Mamadi Doumbouya et son gouvernement (pour) directement responsables de cette catastrophe qui a coûté la vie à des citoyens innocents, parmi lesquels de nombreux enfants ». « Cela démontre une instrumentalisation cynique du sport par la junte, exploitant ces images de mobilisation à des fins politiques », ajoute-t-il.
Un constat se fait dégager après ces tragiques faits. Ce drame, qui aurait pu être évité, met en lumière les défaillances criantes de l’État et la malhonnêteté de certains de ses cadres, plus préoccupés par leurs intérêts personnels que par le bien-être de la population.
Le tournoi de football, couronné par le Trophée Général Mamadi Doumbouya, n’est rien d’autre qu’une campagne déguisée pour soutenir une candidature aux élections à venir. Alors que le Général Mamadi Doumbouya avait promis que les membres des organes de transition ne seraient pas candidats, la réalité est tout autre.
Ce tournoi, financé à coup de milliards de francs guinéens, a été orchestré par des individus corrompus qui excellent dans la démagogie et la flagornerie. Ces « filous de la République » ont su manipuler le discours pour faire croire au Président qu’il était le sauveur tant attendu, alors que les Guinéens, depuis 1958, aspirent à un véritable changement.
Il est inacceptable que, dans un pays où les infrastructures sportives sont inexistantes et où les besoins fondamentaux tels que l’éducation, la santé, l’eau et l’électricité demeurent insatisfaits, des sommes colossales soient gaspillées dans des événements qui ne servent qu’à flatter l’ego de quelques-uns. Ce tournoi, loin de promouvoir l’unité et la cohésion sociale, a révélé l’inefficacité d’un système qui privilégie les apparences au détriment de la réalité.
une chose vient aussi à l’esprit après ce drame. Quand les jeunes manifestent contre le gouvernement Doumbouya, ils sont tués! Lorsqu’ils manifestent aussi pour Doumbouya, ils meurent. In fine, c’est du sceau de la mort que sont revêtus les actions qui découlent de votre pouvoir. Comme ce fut le cas, ce dimanche 1er décembre à Nzérékoré, 900 kilomètres de la capitale, Conakry, lors de la finale du tournoi de football dont le trophée portait le nom du chef de la transition guinéenne, le général Mamadi Doumbouya.
Le flou autour de sa transition élastique à souhait, le débat autour de sa candidature qui n’était pas possible selon la charte mais l’est désormais, les opposants qu’il a contraints à l’exil, les manifestations réprimées dans le sang, l’incendie de dépôt d’hydrocarbures, les interdictions de médias de la presse écrite et audiovisuelle, les morts tragiques et inexpliquées d’officiers de l’armée, la double disparition d’Oumar Sylla alias Foninké Mengué et de Mamadou Billo Bah, cadres du Front national de défense de la constitution (FNDC), la chape de plomb et la peur généralisée imposées à un peuple guinéen qui avait applaudi le coup d’Etat du 5 septembre 2021, croyant à l’avènement du messie, etc., sont autant de cailloux dans les rangers du général Mamadi Doumbouya.
Et si la nature doit y mettre du sien, il faut bien craindre pour la Guinée! Non seulement le pays n’arrive pas à sortir de cette transition politique, mais la Guinée pourrait bien être obligée de demeurer sous le gant de fer de Mamadi Doumbouya, qui n’est pas loin de troquer le treillis militaire contre le boubou de civil, à écouter ses affidés, lui-même ne s’étant pas encore prononcé sur sa candidature, ou non, pour la présidentielle.
Mais, à bien analyser ces nouveaux incidents meurtriers de Nzérékoré, ne sont-ils pas, à quelque chose malheur étant bon, un coup de main du destin pour aider le général Doumbouya à changer son fusil d’épaule, au propre comme au figuré?
Rétablir la liberté d’expression et organiser des élections libres et transparentes, pour lesquelles il sera un arbitre impartial, c’est ce que le peuple attend du général. Du reste, Mamadi Doumbouya avait, dès les premiers moments de sa prise de pouvoir par la force, affirmé haut et fort, et à toutes les tribunes qui se sont dressées devant lui, ou que lui-même s’est offertes, que ni lui, ni aucun acteur de la transition, ne se présenteraient à aucune élection.
Il avait peut-être oublié cet adage universel, selon lequel «le pouvoir corrompt». A moins que ces belles déclarations n’aient été que ruse et subterfuge, pour éviter la main lourde de la communauté internationale qui condamne les coups de force, même celui de Mamadi Doumbouya qui a libéré la Guinée, du Professeur Alpha Condé, lui aussi auteur de coup d’Etat et qui a charcuté la constitution, pour s’offrir un 3e mandat, donc une présidence à vie, si affinités.
Le drame de N’Zérékoré est un révélateur des priorités mal placées des autorités guinéennes. Au lieu de s’attaquer aux véritables problèmes qui minent notre société, certains préfèrent organiser des spectacles éphémères, tout en vidant les caisses de l’État. Les familles endeuillées, les blessés et la population guinéenne méritent mieux que des promesses creuses et des tournois basés sur la démagogie.
Il est temps que les responsables rendent des comptes et que la lumière soit faite sur les circonstances de cette tragédie. Les Guinéens ne doivent plus être les victimes d’un système qui ne pense qu’à ses propres intérêts. La sécurité et le bien-être de la population doivent primer sur les ambitions personnelles. Il est impératif de repenser notre approche du sport et de la gouvernance, en plaçant l’humain au cœur des préoccupations.
Le peuple de Guinée doit ouvrir les yeux pour exiger un changement véritable, pour que des drames comme celui de N’Zérékoré ne se reproduisent plus jamais. La dignité et la vie de nos concitoyens ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel de l’ambition politique et de la corruption. (PGB/2024)