SYRIE: chute de Bachar Al-Assad diversement appréciée, liesse populaire

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DAMAS, 8 DECEMBRE (ASPAMNEWS)-Les rebelles menés par des islamistes radicaux ont annoncé ce dimanche 8 décembre à la télévision publique la chute de l’autocrate syrien et la libération de la capitale, après une offensive fulgurante. Le président Bachar al-Assad. Une information fêtée en Syrie mais aussi à Istanbul.

Après seulement douze jours d’une avancée éclair vers la capitale de la Syrie, le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui mène une coalition de rebelles en Syrie, a annoncé la prise de contrôle de Damas ainsi que la chute du président Bachar el-Assad.

De Damas à Homs pris par les rebelles récemment, en passant par Tripoli au Liban mais aussi à Istanbul – où de nombreux Syriens se sont réfugiés, la chute du régime du président Al-Assad Bachir, a entraîné des scènes de liesse. Après treize années de révolte contre le pouvoir réprimée dans le sang provoquant des milliers de morts, les Syriens ont tenu à fêter la nouvelle : tirs en l’air, feux d’artifice, destruction de la statue d’Hafez el-Assad à Damas ou encore fumigènes.

Le premier ministre syrien, Mohammad Ghazi Al-Jalali, s’est dit prêt à travailler avec les nouveaux maîtres du pays, précisant qu’il serait, dimanche matin, dans ses bureaux au siège du gouvernement pour toute procédure de « passation » de pouvoir : « Ce pays peut être un pays normal, construisant de bonnes relations avec ses voisins et avec le monde (…), mais cette question sera du ressort de tout leadership que choisira le peuple syrien, et nous sommes prêts à la coopération et à lui apporter toutes les facilités possibles. »

Selon le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, la chute du président syrien, Bachar Al-Assad, était « un jour historique » et la chute d’un « maillon central » de « l’axe du mal » dirigé par l’Iran. « C’est un jour historique dans l’histoire du Moyen-Orient » et « une conséquence directe des coups que nous avons portés à l’Iran et au Hezbollah [libanais], les principaux soutiens du régime d’Assad », a déclaré le premier ministre israélien depuis le Golan syrien occupé et annexé par Israël.

Il a également affirmé avoir ordonné à l’armée israélienne de « prendre le contrôle » de la zone tampon du Golan ainsi que « de positions stratégiques adjacentes ». « Cette région a été sous le contrôle d’une zone tampon établie dans le cadre de l’accord de séparation des forces de 1974 pendant près de cinquante ans », a-t-il dit. Cet accord avec la Syrie « s’est effondré », a affirmé Benyamin Nétanyahou, ajoutant qu’Israël « ne permettra à aucune force hostile de s’établir à [sa] frontière ».

L’Iran, soutien indéfectible de Bachar Al-Assad, a dit souhaiter la poursuite de bonnes relations avec la Syrie, après l’entrée à Damas de la coalition rebelle qui revendique le pouvoir. « Les relations entre l’Iran et la Syrie ont une longue histoire et ont toujours été amicales », a souligné dans un communiqué le ministère des affaires étrangères iranien, disant « s’attendre à la poursuite » de ce type de relations.

Pour autant, la politique de l’Iran à l’égard de la Syrie est susceptible d’évoluer, a mis en garde la diplomatie iranienne. L’Iran « adoptera une approche et des positions appropriées » en fonction « de l’évolution [de la situation] en Syrie et dans la région, ainsi que du comportement des acteurs » sur le terrain, a affirmé le ministère des affaires étrangères iranien, dans un communiqué.

La cheffe de la diplomatie de l’Union européenne a salué comme « positive » la chute de Bachar Al-Assad en Syrie et estimé qu’elle montrait la faiblesse de ses soutiens russes et iraniens. « La fin de la dictature d’Assad est un développement positif et attendu depuis longtemps. Cela montre également la faiblesse des soutiens d’Assad, la Russie et l’Iran », a déclaré Kaja Kallas, dans un message publié sur le réseau social Bluesky.

Kaja Kallas a ajouté que la priorité de l’Union européenne était « d’assurer la sécurité » dans la région et s’est engagée à travailler avec « tous les partenaires constructifs » en Syrie et, plus largement, dans la région. « Le processus de reconstruction de la Syrie sera long et compliqué, et toutes les parties doivent être prêtes à s’engager de manière constructive », a-t-elle déclaré.

Le roi de Jordanie, Abdallah II, a fait savoir que son pays respectait « les choix » des Syriens, appelant le pays voisin à éviter de sombrer dans le « chaos », après la chute de Bachar Al-Assad.

« La Jordanie se tient aux côtés de ses frères syriens et respecte leur volonté et leurs choix », a annoncé le cabinet royal dans un communiqué, soulignant « la nécessité de préserver la sécurité de la Syrie, de ses citoyens et des acquis de son peuple, et d’œuvrer avec diligence et rapidité pour imposer la stabilité et éviter tout conflit qui conduirait au chaos ».

Le ministère des affaires étrangères du Qatar a averti que la Syrie ne devrait pas « sombrer dans le chaos » après la chute de Damas aux mains de rebelles islamistes et la fuite du président Bachar Al-Assad. Dans un communiqué, ce pays du Golfe a déclaré qu’il « suivait de près les développements en Syrie » et a souligné « la nécessité de préserver les institutions nationales et l’unité de l’Etat pour l’empêcher de sombrer dans le chaos ».

Le Qatar, qui avait soutenu les manifestants descendus dans la rue en 2011 contre le gouvernement syrien, est resté critique de Damas et n’a pas renoué avec lui comme l’ont fait plusieurs pays arabes en 2023. Le ministère des affaires étrangères qatari a appelé, dans son communiqué, « toutes les parties à engager le dialogue pour préserver la vie des citoyens », tout en exprimant le « soutien inébranlable du Qatar au peuple syrien et à ses choix ».

Ce que l’on sait de la fuite du président Bachir

Après avoir passé près d’un quart de siècle à la tête d’un régime liberticide qui dirigeait la Syrie d’une main de fer, le « tyran » Bachar al-Assad a « pris la fuite », ont annoncé les groupes rebelles entrés dimanche dans la capitale Damas. Le départ de M. Assad pour une destination inconnue s’est déroulé dans la plus grande discrétion. A bord d’un avion privé qui décollait de l’aéroport international de Damas, le chef de l’Etat syrien a quitté la capitale samedi à 22H00 (19H00 GMT), selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Dès lors, rien ne pouvait empêcher  le retrait de l’aéroport de l’armée syrienne et des forces de sécurité, selon l’OSDH.

Quelques heures auront suffit pour que les groupes rebelles annoncent la chute du « tyran » et la « libération » de Damas, appelant les millions de Syriens réfugiés à l’étranger et jetés sur la route de l’exil à rentrer chez eux dans une « Syrie libre ».

Si un flou total règne sur la destination de M. Assad, trois options s’offrent à lui, selon le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane. Il pourrait se rendre en Russie, soutien indéfectible qui a engagé son aviation dans la guerre en Syrie pour remettre en selle M. Assad. L’Iran, autre allié qui a dépêché conseillers militaires et factions armées pour combattre au côté du pouvoir syrien. Et enfin les Emirats arabes unis, un des premiers pays du Golfe à avoir rétabli des relations diplomatiques avec Damas en 2018, après les avoir rompues dans la foulée du conflit déclenché en 2011.

Quid de l’armée syrienne?

Après l’annonce du départ d’Assad, des soldats de l’armée syrienne à Damas ont immédiatement retiré leur uniforme militaire, selon des témoignages des habitants recueillis. Un témoin a raconté avoir vu dimanche matin des dizaines de véhicules militaires abandonnés dans le quartier de Mazzé, abritant les locaux de plusieurs institutions sécuritaires, militaires mais aussi des ambassades. L’armée syrienne n’a publié aucun communiqué ou commentaire officiel. Des soldats interrogés ont assuré qu’il leur avait été demandé de se retirer de leurs positions et de rentrer chez eux.

Sur la route reliant Homs, métropole du centre, à la capitale Damas, un correspondant de l’AFP a vu des centaines de militaires rassemblés près de barrages de contrôle établis par des combattants rebelles. Au début de leur offensive fulgurante lancée fin novembre, de violents combats ont opposé les rebelles aux forces du gouvernement, surtout durant les deux premiers jours, faisant des dizaines de morts dans les deux camps.

Par la suite les rebelles ont progressé à une vitesse éclair, sans rencontrer « aucune résistance notable » de la part des soldats, selon l’OSDH et les insurgés, qui ont ainsi conquis coup sur coup les grandes métropoles d’Alep (nord), Hama et Homs dans le centre. Jusqu’à pénétrer dimanche dans Damas.

Plusieurs experts ont souligné ces derniers jours la faiblesse des forces armées engagées sur le terrain, en l’absence d’un véritable soutien des alliés russe et iranien. Dimanche à l’aube, une source proche du Hezbollah pro-iranien, allié du pouvoir syrien, a rapporté que les combattants du mouvement s’étaient retirés de leurs positions près de Damas et dans une zone à la frontière avec le Liban voisin. Ces secteurs abritaient notamment des entrepôts d’armes.

Qui est désormais au pouvoir?

Les rebelles ont proclamé une « nouvelle ère » en Syrie. Le chef du gouvernement de Damas, qui a pris ses fonctions de Premier ministre en septembre, s’est dit lui disposé à coopérer avec tout nouveau « leadership » choisi par le peuple syrien pour une « passation » de pouvoir.

Le commandant en chef de Hayat Tahrir al-Sham, HTS, qui dirige la coalition rebelle à l’offensive en Syrie, a appelé ses combattants à ne pas s’approcher des institutions publiques, précisant qu’elles resteraient sous le contrôle de « l’ancien Premier ministre » jusqu’à ce que cette passation se fasse de manière officielle.

Avec la déroute de l’armée syrienne, dans un pays déjà morcelé par la guerre, les autres belligérants aux intérêts divergents, qui bénéficient d’appuis internationaux et régionaux, se retrouvent confrontés à des défis majeurs. « Le défi principal aujourd’hui, c’est la reconstruction de l’Etat syrien, et la sortie d’une phase de chaos et de fragmentation », souligne le chercheur au centre Carnegie pour le Moyen-Orient, Mohanad Hage Ali. A ce jour, les rebelles étaient « consciencieux dans leurs rapports avec les minorités et leurs prisonniers », reconnaît-il: « Espérons que cela va se traduire dans la reconstruction des institutions étatiques ».

Rappelons que le conflit a été déclenché après la répression d’un soulèvement populaire qui a dégénéré en guerre civile en 2011. Il a fait plus d’un demi-million de morts et a morcelé le pays en zones d’influence avec des belligérants soutenus par différentes puissances étrangères. Principale alliée du pouvoir syrien, la Russie, qui dispose de bases militaires en Syrie, a appelé ses citoyens à quitter le pays, de même que les Etats-Unis et la Jordanie voisine. Autre soutien clé du régime, Téhéran a aussi commencé à évacuer son personnel militaire et des diplomates. (SPH/2024)

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