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PARIS, 13 DECEMBRE (ASPAMNEWS)- A 73 ans, le président du MoDem, nommé premier ministre par Emmanuel Macron, vendredi 13 décembre, accède non pas à la consécration suprême dont il a toujours rêvé, l’Elysée, mais à l’étage juste en dessous. « Le destin le touche de son aile », relève son ami Jean-Louis Bourlanges, ex-député MoDem des Hauts-de-Seine et vieux compagnon de route.
Il aura fallu un « tremblement de terre », la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin, et un cataclysme politique six mois plus tard, la chute du gouvernement de Michel Barnier, pour que ce soutien historique d’Emmanuel Macron accède enfin aux responsabilités. Jusqu’au dernier moment, ses partisans ont redouté un scénario défavorable : le chef de l’Etat ayant d’abord prévenu par téléphone François Bayrou, vendredi matin, qu’il ne serait pas nommé premier ministre.
François Bayrou l’avait théorisé dès le milieu des années 1990, avant de le mettre en pratique en 2007 : la remise en cause de la bipolarisation entre la droite et la gauche par l’avènement d’un « grand centre ». C’est finalement Emmanuel Macron qui l’aura réalisé en 2017, avec son soutien décisif.
Il s’agit cette fois de rallier, ou tout au moins d’obtenir la bienveillance, de ceux qui sont restés dans les anciens partis de gouvernement, le Parti socialiste (PS) et Les Républicains (LR). François Bayrou « coche pas mal de cases », mais il va devoir « déployer de l’énergie à convaincre Les Républicains de rester et de l’énergie à trouver une connexion avec le Parti socialiste », analyse un président de groupe parlementaire.
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Côté LR, le déblocage a déjà eu lieu lorsque Les Républicains ont accepté, en septembre, de participer au gouvernement dirigé par l’un des leurs, Michel Barnier. Côté PS, le déblocage n’est pas complet puisque le parti continuait à demander la nomination d’un premier ministre de gauche.
« François Bayrou, ce n’est évidemment pas le bon choix, les Français veulent une rupture, ils ne veulent pas la continuité », avait redit Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, mercredi 11 décembre, sur BFMTV-RMC. Sans toutefois dire ce que le PS ferait en cas de nomination du haut-commissaire au plan.
Il n’empêche, l’identité démocrate-chrétienne du fondateur du MoDem possède des convergences idéologiques avec la gauche sociale-démocrate. Cette jonction s’est notamment concrétisée lors des débats budgétaires, même si la réduction des déficits publics est un de ses vieux combats.
« Pour François Bayrou, le centre ce sont les chrétiens-démocrates, les sociaux-démocrates, les gaullistes sociaux, décrypte son entourage. Lors de la nomination de Michel Barnier, il n’était pas gêné que le gouvernement aille vers la droite, mais il aurait préféré qu’il aille en même temps vers la gauche. »
La passation de pouvoir entre Michel Barnier et son successeur François Bayrou aura lieu vendredi à 17 heures, selon nos sources. Cette passation avait été d’abord annoncée pour «la fin de matinée» par des sources ministérielles, et était préfigurée par le traditionnel tapis rouge déroulé sur le perron bien avant que le nom du nouveau Premier ministre ne soit connu.
La présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, Marine Le Pen, a déploré sur X ce vendredi les «longues tergiversations» d’Emmanuel Macron. Elle demande au nouveau Premier ministre «d’entreprendre ce que son prédécesseur n’a pas voulu faire : entendre et écouter les oppositions pour construire un budget raisonnable et réfléchi».
Marine Le Pen prévient ensuite que «toute autre politique qui ne serait que le prolongement du macronisme, rejeté par deux fois dans les urnes, ne pourrait mener qu’à l’impasse et à l’échec». Jordan Bardella, le président du RN a, lui, précisé qu’il n’y aurait « pas de censure a priori des députés lepénistes.
Le camp présidentiel s’est lui aussi exprimé quant à la nomination du nouveau locataire de Matignon ce vendredi. Lui-même ancien Premier ministre, Gabriel Attal, à la tête du parti présidentiel, loue, dans un post sur X, «les qualités pour défendre l’intérêt général et construire l’indispensable stabilité que les Français attendent dans le moment si difficile que traverse notre pays».
Gabriel Attal annonce qu’Ensemble pour la République (EPR), le groupe parlementaire qu’il dirige ainsi que le parti Renaissance «[partagent] ces objectifs et [se tiendront] à ses côtés».
Marine Tondelier ne voit «d’autre choix» que la censure. «Ça n’est plus de la politique, c’est du mauvais théâtre de boulevard. Pauvre France», a déploré la cheffe des écologistes dans la foulée de la nomination du maire de Pau à Matignon.
Sur BFMTV, elle a ensuite expliqué «attendre de voir» avant de censurer le futur gouvernement à condition que les choses changent. «Si c’est pour garder les mêmes aux postes stratégiques. Si c’est pour garder Bruno Retailleau à l’Intérieur. Si c’est pour ne rien faire sur la justice fiscale, les retraites ou l’écologie, je ne vois pas quel autre choix nous aurions que de le censurer», a-t-elle prévenu.
En réaction à la nomination du chef du MoDem, l’ancien insoumis, a fait part de son pessimisme. Alexis Corbière a écrit sur X que «dès 2017, le soir de l’élection de Macron, je prévenais Bayrou qui triomphait, que tout cela allait mal finir.
Sa nomination à Matignon est le stade ultime de cette crise». Le député de Seine-Saint-Denis met le centriste dans la droite ligne de son prédécesseur dans les «plans B de Macron», signe que le Président «ne veut pas écouter les urnes» et «garder le pouvoir coûte que coûte».
Pour Ruffin, «Macron se moque des Français» avec le choix de Bayrou. Le député de la Somme a déploré le choix du président du Modem à Matignon, y voyant la continuité du macronisme, «une folie pour le pays et sa démocratie». «Macron se moque des Français : eux exigent du changement, lui choisit […] le gardien de son bilan».
Sur X, le Picard promet déjà «la censure, sauf épiphanie». Et de lister les lignes rouges du Nouveau Front populaire : l’abrogation de la retraite à 64 ans, le rétablissement de l’ISF. «De la politique-fiction», reconnaît l’ex-insoumis, qui rappelle que «la gauche doit se préparer» à la «démission du Président».
LFI déposera une motion de censure contre le gouvernement Bayrou. Dans une réaction sur X, la cheffe des députés insoumis a réagi à la nomination de François Bayrou en maintenant que LFI voterait la censure de son gouvernement.
«Deux choix clairs s’offrent au pays : la continuité des politiques de malheur avec François Bayrou ou la rupture. Deux choix s’offriront aux députés : le soutien au sauvetage de Macron ou la censure. Nous avons fait le nôtre», écrit l’insoumise. «Nous déposerons une motion de censure», a ajouté le coordinateur du mouvement Manuel Bompard, en dénonçant un «bras d’honneur à la démocratie».
Selon Jordan Bardella, «Emmanuel Macron est un président bunkerisé, qui a fait le choix d’un nouveau Premier ministre.» En marge d’une rencontre avec les milieux d’affaires au Chinese Business Club ce vendredi, le président du Rassemblement national a réagi à la nomination de François Bayrou à Matignon en rappelant que les «lignes rouges» de son parti «demeurent».
«Ce nouveau Premier ministre doit prendre en considération la nouvelle donne politique et il doit entendre qu’il n’a pas de légitimité démocratique ni de majorité à l’Assemblée nationale, ce qui suppose donc un dialogue nécessaire avec l’ensemble des forces représentées au Parlement c’est-à-dire un respect à l’égard de tous les Français, y compris les Français qui n’ont pas voté pour Emmanuel Macron lors des dernières élections européennes et législatives», a ajouté Bardella. «Il n’y aura pas de censure a priori», a-t-il toutefois assuré.
Les dossiers brûlants
Tout compte fait, de nouveaux dossiers brûlants attendent le nouveau Premier ministre Bayrou. Priorité des priorités, le gouvernement va devoir reprendre l’équation budgétaire. Gérer la crise du secteur agricole.
Comme le président Emmanuel Macron l’avait annoncé lors de son allocution du 5 décembre, une nouvelle loi de finances doit être présentée début 2025. Il faudra trouver un compromis sur l’indexation des barèmes de l’impôt sur l’inflation pour éviter que 18 millions de Français voient leur contribution flamber l’an prochain. Mais qu’en sera-t-il, côté recettes, de la taxation des superprofits ou, côté dépenses, du déremboursement de certains médicaments ? Le consensus promet d’être plus compliqué à trouver.
Dans les jours qui viennent, le gouvernement va parallèlement devoir faire face à la crise qui menace de nombreux secteurs à commencer par l’agriculture. La censure a empêché l’adoption des lois de finances qui prévoyaient des mesures de soutien à la profession, sur la réévaluation des retraites ou sur le prix des carburants agricoles. « Certaines de nos revendications étaient inscrites dans le budget. Nous espérons que le futur premier ministre les reprendra », déclarait le 6 décembre dernier à la Croix le patron de la FNSEA, Arnaud Rousseau. Bien d’autres secteurs sont aux abois, notamment l’hôpital public et le bâtiment.
L’avenir de la Nouvelle-Calédonie
Sur le terrain social, le ciel pourrait un peu se dégager. Sans renoncer à l’abrogation à terme de la réforme sur les retraites du gouvernement Borne, les socialistes, dans le cadre d’un accord de non-censure, pourraient accepter dans un premier temps un simple gel des dispositions de la loi qui prévoient notamment de repousser l’âge de départ à 64 ans. En contrepartie, l’organisation d’une conférence sociale permettrait de chercher des mesures d’économies alternatives.
Passé ces urgences, le premier ministre (le quatrième depuis le début du second mandat d’Emmanuel Macron) peut espérer avancer sur de très gros dossiers, comme celui de la Nouvelle-Calédonie.
Six mois après le début d’émeutes qui ont fait 13 morts, la situation sécuritaire s’est améliorée et le couvre-feu a été levé. Un consensus s’est dégagé dans la précédente Assemblée sur le principe d’un soutien financier de l’État.
Paris doit maintenant reprendre le fil des discussions avec indépendantistes et non-indépendantistes sur la réforme du corps électoral et, plus globalement, sur l’avenir institutionnel de l’archipel.
La réforme sur la fin de vie
De gros chantiers inscrits à moyen terme à l’agenda offrent aussi des perspectives de compromis, à l’image de la réforme sur la fin de vie. Le 3 octobre, Michel Barnier, avait précisé que le travail parlementaire reprendrait sur la base du texte amendé et voté avant la dissolution de l’Assemblée nationale. La droite, largement opposée à l’euthanasie et au suicide assisté, est majoritaire au Sénat mais une alliance des députés de gauche et d’une partie du camp présidentiel pourrait permettre l’adoption du texte.
Sur le plan institutionnel, la réforme du mode de scrutin législatif devrait assez vite s’inviter au menu. Emmanuel Macron en avait fait dès 2017 une promesse de campagne. Une solution très attendue par la gauche, le MoDem de François Bayrou et le Rassemblement national.
Si une partie de la droite y est réticente, la situation de blocage née de l’absence de majorité à l’Assemblée depuis la dissolution renforce cette perspective. Michel Barnier s’était lui-même déclaré favorable à un projet de loi au printemps 2025.
La « loi spéciale », première urgence
Un « projet de loi spéciale », présenté mercredi 11 décembre en conseil des ministres par le gouvernement démissionnaire de Michel Barnier, doit permettre à l’État, en l’absence de budget, de percevoir l’impôt au 1er janvier 2025. Elle doit être promulguée avant la fin de l’année.
Un calendrier serré. Ce texte sera soumis à l’Assemblée nationale lundi 16 décembre, avant de partir au Sénat. Les députés ont jusqu’à ce vendredi soir pour déposer des amendements.
Une fois la loi promulguée, le gouvernement devra prendre un décret pour débloquer les crédits nécessaires à la bonne marche des services publics. Le budget 2025 devra être voté au premier trimestre. (DPH/2024)