WASHINGTON, 12 JANVIER (ASPAMNEWS)-Retour en grâce à la Maison-Blanche, majorité républicaine dans les deux chambres du Congrès, juges conservateurs en position dominante à la Cour suprême… Quand Donald Trump entrera en fonction le lundi 20 janvier, il aura le contrôle des trois pouvoirs – exécutif, législatif et judiciaire. Quant au quatrième – les médias –, Olivier Knox, qui a dirigé l’Association des correspondants de la Maison-Blanche entre 2018 et 2019, s’interroge. « Trump n’a pas changé. C’est plutôt la presse qui m’inquiète», avance-t-il.
Polémiques répétées au Washington Post
Le journaliste franco-américain fait allusion aux appels du pied de plusieurs patrons de presse accusés de vouloir soigner leurs relations avec un locataire de la Maison-Blanche imprévisible, décidé à en découdre avec ses opposants politiques.
Ainsi, juste avant l’élection, les propriétaires du Los Angeles Times et du Washington Post – les milliardaires Jeff Bezos et Patrick Soon-Shiong respectivement – se sont opposés à la publication du soutien de leurs journaux (« endorsement ») à la démocrate Kamala Harris. Le geste du Post, que Jeff Bezos a justifié par la volonté d’apparaître impartial, a entraîné le désabonnement de quelque 300 000 lecteurs.

Autre coup d’éclat : en janvier, la caricaturiste de renom Ann Telnaes claquait la porte du Washington Post après que sa hiérarchie a rejeté l’un de ses dessins montrant plusieurs PDG, dont Jeff Bezos, s’agenouiller devant Donald Trump en lui tendant de l’argent. Le responsable de la rédaction qui a pris la décision s’est défendu en arguant qu’un texte sur le même sujet venait d’être publié.
Don de la chaîne ABC à la Fondation Trump
Les chaînes de télévision critiques du républicain, qui accusent une baisse d’audience depuis son élection, n’échappent pas non plus aux critiques. À la suite de sa victoire, Mika Brzezinski et Joe Scarborough, présentateurs stars de la chaîne MSNBC, étiquetée à gauche, se sont rendus à Mar-a-Lago pour « renouer le dialogue » avec celui qu’ils ont taxé de « fasciste » et de « Hitler » dans le passé. Leur visite leur a valu d’être qualifiés de « traîtres » par certains.
« Pour près de 80 millions d’Américains, le déni électoral, les procès et l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021 n’étaient pas aussi importants que les sujets qui les ont poussés à renvoyer Donald Trump à la Maison-Blanche. Joe et moi avons réalisé qu’il était temps de procéder différemment, et cela passe non seulement par parler de Donald Trump, mais aussi par parler avec lui», a fait valoir Mika Brzezinski à l’antenne.
En décembre, la chaîne nationale ABC a rejoint le mouvement en acceptant de donner 15 millions de dollars à la future fondation de Donald Trump en échange de l’abandon des poursuites en diffamation engagées par l’ex-homme d’affaires contre George Stephanopoulos, l’un des présentateurs phares de sa rédaction, ABC News.
La décision a surpris plus d’un observateur car les plaintes de cette nature se soldent souvent par la victoire du média ciblé en raison des protections offertes par le premier amendement de la Constitution américaine qui garantit la liberté de la presse.
Une grave crise économique
« Ces décisions montrent que les rapports avec Donald Trump ne dépendent pas uniquement des rédactions, mais aussi des PDG», s’alarme Olivier Knox. D’autant que ces turbulences interviennent au moment où les médias traditionnels traversent une crise économique et de confiance importante liée à l’émergence de modes d’information alternatifs, comme le réseau social ou les podcasts.
L’appartenance de certains titres et chaînes de télévision à des conglomérats dont les dirigeants défendent des intérêts commerciaux plus profitables que l’information complique la situation. Pour rappel, ABC appartient à Disney, et Jeff Bezos contrôle aussi le distributeur Amazon, dont le service de streaming proposera cette année un documentaire sur Melania Trump produit par elle-même…
La liberté de la presse en recul aux États-Unis
En 2024, les États-Unis se situaient à la 55e place sur 180 pays dans le classement annuel de l’association Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de la presse. Une chute de dix places par rapport à 2023.
Outre les difficultés économiques du secteur, les tentatives d’intimidation et de harcèlement contre les professionnels de l’information, RSF justifie cette rétrogradation par « la forte concentration de la propriété des médias» dans les mains de quelques-uns, une menace au « journalisme d’intérêt public », selon l’organisme.
Elle évoque aussi le fait que le Press Act, une loi qui doit assurer la protection des sources journalistiques au niveau national, n’a pas encore été adopté, ainsi que le silence de Joe Biden sur les entorses à la liberté de la presse dans certains pays, comme Israël et l’Arabie saoudite. (SPG/2025)