MOZAMBIQUE-INVESTUTURE: le président Chapo pour la continuité, le peuple pour le changement

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MAPUTO, 15 JANVIER (ASPAMNEWS)– La cérémonie d’investiture du président élu du Mozambique, Daniel Chapo, 48 ans, a débuté mercredi dans une capitale quadrillée par des forces de l’ordre, alors que le principal opposant a appelé une nouvelle fois à « paralyser » le pays avec des manifestations quotidiennes.

C’est, dans une ville fantôme de Maputo que le nouveau président du Front de libération du Mozambique (Frelimo), Daniel Chapo, prête serment officiellement ce mercredi15 janvier 2025. L’opposition, emmenée par Venancio Mondlane du Podemos, qui a été déclaré candidat malheureux à la présidentielle du 9 octobre 2024, a engagé une protestation avant même la proclamation des résultats des élections. 

L’opposition incarnée par Venancio Mondlane, a décrété trois jours de paralysie totale du pays, déjà bien secoué par plus de deux mois de manifestations meurtrières, suite à la victoire contestée du candidat du parti au pouvoir depuis 1975, année d’accession à la souveraineté internationale du Mozambique.

Mais en dépit de la contestation, la formation aux manettes du pays lusophone d’Afrique australe depuis un demi-siècle « n’a fait aucune concession », relève l’historien Eric Morier-Genoud.

Le président de l’Afrique du Sud voisine, Cyril Ramaphosa, est le seul chef d’Etat étranger à avoir annoncé qu’il assistait à la prestation de serment dans la matinée sur la place de l’Indépendance de la capitale Maputo, dont tous les accès étaient barrés par la police mercredi, selon nos sources.

Le dirigeant sud-africain, dans un communiqué, « se réjouit de travailler avec le président élu Chapo », officiellement crédité de 65% des voix en dépit de nombreuses irrégularités, qui devra tenter une opération de relations publiques pour restaurer la stabilité dans le pays pauvre et inégalitaire.

Le président sortant Filipe Nyusi, qui achève son deuxième mandat, n’a pas engagé de discussions directes avec Venancio Mondlane, ancien parlementaire et chroniqueur télé de 50 ans, qui mène l’opposition.

Et Daniel Chapo, obscur gouverneur provincial n’ayant aucune expérience de gouvernement, choisi par défaut par son parti, a répété plusieurs fois ces derniers mois qu’il parlerait avec « tout le monde », y compris l’opposant numéro un, mais officiellement aucune rencontre n’a eu lieu entre les deux hommes.

« Venancio » a appelé le week-end dernier à trois jours de manifestations, entre lundi, pour coïncider avec la première séance du nouveau Parlement, qui a été boudée par une partie de l’opposition, et l’investiture mercredi du nouveau chef d’Etat.

Des barricades de ses partisans ont restreint lundi l’accès à la capitale Maputo largement déserte, indiquent les sources. Des affrontements avec les forces de l’ordre, dans le centre et le nord du pays, ont fait six morts, selon l’ONG locale Plataforma Decide.

Face à la contestation, le Frelimo, dont les populations sont lassées du pouvoir sans fin, pliera-t-il? Rien n’est moins sûr, car, à défaut de pouvoir instaurer un dialogue avec les contestataires, qui sont à la troisième journée de l’opération «Mozambique mort», bien suivi, le pouvoir pourra toujours compter sur les forces de l’ordre qui s’illustrent fort bien, dans la chasse aux manifestants.

De plus, le Frelimo misera, certainement, sur un essoufflement du mouvement de contestation qui, pourtant, trouve chaque fois, le second souffle pour se relancer et exiger, avec force et détermination, l’alternance.

Le challenge ne sera donc pas des plus faciles, ni pour le nouveau président de la république du Mozambique, ni pour les nouveaux occupants de l’Assemblée nationale aux couleurs du Frelimo, eux qui ont prêté serment sans public, car rejetés également, paradoxe des paradoxes, par le peuple, qu’ils sont censés représenter.

Daniel Chapo, à moins qu’un modus vivendi soit trouvé avec ses opposants, et le peuple qui en a marre du pouvoir ad vitam aeternam du Frelimo, n’aura pas la tâche facile à l’intérieur de son pays, même si hors des frontières, le Frelimo peut s’adosser au soutien des pouvoirs issus de mouvements de libération sud-africains ou zimbabwéens.

Jusqu’où ira donc le Frelimo pour garder la main, dans un pays où son pouvoir ne fait plus recette, notamment auprès d’une jeunesse désabusée, confrontée au manque d’emploi, à une économie exsangue et à la vie chère, et guettée par un avenir sans perspective réelle?

Le Frelimo finira-t-il par lâcher du lest pour répondre à la volonté du peuple qui, selon l’ADN de la démocratie, est le véritable détenteur du pouvoir?  Le Frelimo acceptera-t-il, ou sera-t-il contraint, d’une manière ou d’une autre, à partager le pouvoir avec son opposition, à défaut de quitter les affaires?

Qui pourra trouver les solutions à cette équation à plusieurs inconnues? Tout porte à croire que chaque partie est campée sur sa position, prête à tirer la corde, jusqu’à la casser!

L’absence de nombreux dirigeants étrangers pour l’investiture « envoie un signal fort ». Même Paul Kagame, président rwandais dont les soldats participent aux combats contre des groupes armés jihadistes dans le nord du Mozambique, ne sera pas là, représenté par son Premier ministre.

Le Portugal, ancienne puissance coloniale, envoie son ministre des Affaires étrangères, le gouvernement estimant que « dans les circonstances actuelles », c’est la « représentation appropriée ».

« Même au niveau régional, on hésite à reconnaître que Chapo a gagné les élections, le scrutin s’est avéré si imparfait et injuste pour les citoyens », ajoute-t-il.

Pour sortir de l’impasse, Daniel Chapo, conseillé ces derniers temps par l’ex-président Joachim Chissano, pourrait annoncer une sorte de commission ou groupe de travail pour réfléchir à des réformes afin de gagner du temps, souffle un expert qui tient à rester anonyme.

Il pourrait aussi intégrer, lors de l’annonce de son gouvernement attendue d’ici la fin de la semaine, plusieurs ministre de l’opposition et de la société civile, imagine Eric Morier-Genoud, universitaire à Belfast et spécialiste du Mozambique. (WKT/2025)

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