22 JANVIER (ASPAMNEWS)- À peine investi 47ᵉ président des États-Unis, le président Donald Trump pourrait privilégier les accords bilatéraux avec les pays africains, tout en durcissant les conditions migratoires aux États-Unis.
Le président élu des États-Unis, Donald Trump, accusé d’avoir largement ignoré le continent, où il ne s’est jamais rendu lors de son premier mandat, Donald Trump ne fait jamais référence à l’Afrique dans ses discours. Si ce n’est sous le prisme de la menace migratoire.
L’aide au développement ? « Une industrie et une bureaucratie qui ne sont pas alignées sur les intérêts américains et, dans de nombreux cas, [qui] sont contraires aux valeurs américaines. Elles servent à déstabiliser la paix mondiale en promouvant […] des idées qui vont directement à l’encontre de relations harmonieuses et stables à l’intérieur des pays et entre les pays. » L’executive order est daté du 20 janvier 2025 et signé par le président Trump, tout juste investi à la Maison-Blanche.
Ce décret présidentiel qui permet de faire passer des dispositions sans les faire voter par le Congrès, vient corroborer ce que le nouveau secrétaire d’État américain, Marco Rubio, avait commencé à annoncer dès le 15 janvier dernier, lors de son audition devant la chambre haute du Congrès américain.
Il avait alors expliqué que toutes les propositions de financement devraient désormais répondre à trois questions : « Est-ce que cela rend l’Amérique plus sûre ? Est-ce que cela rend l’Amérique plus forte ? Est-ce que cela rend l’Amérique plus prospère ? » Et de rappeler le message selon lequel « la politique des Etats-Unis consistera à ne débourser aucune aide étrangère qui ne soit entièrement alignée sur la politique étrangère du président des États-Unis ».
Lors de son premier mandat, les principales réformes du milliardaire républicain en lien avec le continent ont concerné la « réduction du nombre d’immigrés en provenance d’Afrique, en particulier nigérians », la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental – en échange d’une reprise des relations du Maroc avec Israël – et « une réduction de l’aide humanitaire », analyse, sur le plateau du Journal de l’Afrique, Douglas Yates, enseignant en relations internationales et en politiques africaines à l’American Graduate School de Paris.
Alors que le 47ème président des États-Unis a indiqué vouloir privilégier les accords bilatéraux, nombre d’observateurs s’interrogent aujourd’hui sur l’avenir de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), un accord comprenant 32 pays d’Afrique sub-saharienne, leur permettant d’exporter sans taxes douanières des produits sur le marché américain.
Pression commerciale
Adopté en 2000 sous l’administration de Bill Clinton, puis prolongé en 2015 par Barack Obama pour une durée de dix ans, l’Agoa expire en septembre 2025. Donald Trump pourrait décider d’y mettre tout simplement fin pour imposer aux adhérents du programme son projet de tarif douanier universel de 10 à 25 % sur les importations en provenance de l’étranger. Une mesure jugée néanmoins risquée voire irréaliste puisqu’elle devrait alimenter l’inflation aux États-Unis, que le nouveau président a promis de combattre.
Donald Trump pourrait au contraire décider de maintenir ce programme et de l’utiliser comme un outil de pression. Lors de son premier mandat, son administration avait suspendu en 2018 le Rwanda, accusé de taxer les produits américains et de freiner ses investissements dans le pays, puis, en 2019, le Cameroun pour « violations flagrantes et persistantes des droits humains » dans le conflit meurtrier opposant l’armée aux forces séparatistes dans deux régions anglophones.
Selon Douglas Yates, l’Afrique du Sud pourrait à son tour se retrouver dans le viseur de l’administration Trump. Elle « a des positions contre Israël, qu’elle accuse de mener une politique d’apartheid, et des relations avec l’Iran et la Chine », rappelle-t-il. Les négociations à venir entre Washington et Pretoria seront un « premier test ».
Approche « transactionnelle »
Le 47e président américain devrait cependant œuvrer à renforcer les partenariats bilatéraux avec les pays africains, dans le but notamment de contrer l’influence grandissante de la Chine et de la Russie sur le continent.
Lors de son premier mandat, les États-Unis avaient lancé deux initiatives en ce sens : Prosper Africa, afin d’accroître les échanges commerciaux et les investissements bilatéraux, et Development Finance Corporation (DFC), une agence dédiée aux projets de développement, conçue comme une alternative à l’offre de financement chinoise.
Donald Trump pourrait par ailleurs envisager de nouveaux partenariats africains afin de réduire la dépendance des États-Unis envers la Chine. Car Pékin leur fournit près de 80 % des matériaux critiques, essentiels aux secteurs de la transition énergétique et de la transition numérique.
« L’approche ‘transactionnelle’ de Trump, comme on l’appelle à Washington, représente un potentiel pour certains pays africains qui voient son arrivée d’un œil positif », note Douglas Yates, citant en exemple la Guinée ou bien encore la République démocratique du Congo, qui ont « des minerais à vendre ».
Passerelles idéologiques
Malgré les propos insultants du milliardaire envers les pays africains, qu’il avait qualifiés de « pays de merde », et les menaces d’expulsions massives d’immigrés clandestins, l’idéologie trumpiste trouve un certain écho en Afrique.
C’est le cas notamment parmi les régimes autoritaires au Sahel, fervents défenseurs du « souverainisme », comme Donald Trump en Amérique. La défense des valeurs traditionnelles prônée par le républicain et sa promesse de mettre fin au « délire transgenre » suscitent également une certaine adhésion.
Enfin, certains voient dans l’arrivée de Donald Trump au pouvoir un bouleversement géostratégique dont ils pourraient bénéficier. Pour Douglas Yates, c’est le cas par exemple des pays où les États-Unis ont imposé des sanctions à des sociétés ou des individus « qui vendent de l’or à Wagner », accusés de « financer la guerre de la Russie en Ukraine ».
Parmi eux figurent le Mali, la République centrafricaine ou encore le Soudan. Avec l’arrivée du nouveau président, ces mesures punitives pourraient être allégées, estime-t-il. Néanmoins ces changements devraient demeurer assez limités. Alors que Donald Trump a promis d’opérer un tournant radical en matière de politique étrangère, Douglas Yates prévoit une triste continuité dans les relations avec l’Afrique.
« Trump néglige l’Afrique », mais ce phénomène n’est pas nouveau, rappelle-t-il, affirmant que les présidents successifs y compris Barack Obama se sont désintéressés des affaires du continent. « Quand l’Agoa a été promulgué en 2000, les États-Unis étaient le premier partenaire commercial de l’Afrique. Maintenant c’est la Chine », conclut-il. (SPG/2025)