ADDIS ABEBA, JANVIER (ASPAMNEWS)-“L’OMS nous a escroqués.” C’est avec ces mots que Donald Trump a claqué la porte de l’Organisation mondiale de la santé. Un coup dur pour l’Afrique, très dépendante des fonds de l’agence onusienne pour ses politiques de santé. Mais, tempère “Aujourd’hui au Faso”, ce retrait peut aussi être l’occasion de lancer une politique africaine de santé souveraine.
Le décret présidentiel signé lundi soir par le nouveau président Donald Trump annonçant l’intention de la Maison-Blanche de claquer la porte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a créé de forts remous à Genève. La contribution américaine à l’agence onusienne est considérable.

Selon les chiffres de cette dernière, la contribution américaine à l’OMS est de 706 millions de dollars pour 2024-2025. Cela comprend 264 millions de contributions dites obligatoires (22% du total) et 442 millions de contributions volontaires (16% du total). Codirectrice du Global Health Centre du Graduate Institute à Genève, Suerie Moon livre son analyse.
En effet, le départ des États-Unis, grand pourvoyeur de fonds de cette organisation onusienne, fragiliserait les moyens de l’OMS, et de nombreux pays africains en souffriraient. Mais il avait prévenu, l’Amérique ne paiera plus pour d’autres pays, et même l’Otan, par exemple, doit s’attendre à une décision radicale de Trump.
Du coup, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, n’a pas attendu pour fustiger cette attitude de retrait des Etats-Unis de l’OMS. « Aujourd’hui, plus que jamais, le monde dépend de l’OMS pour s’acquitter de son mandat visant à assurer la sécurité de la santé publique mondiale en tant que bien commun partagé », a également affirmé Moussa Faki Mahamat, qui espère que « le gouvernement américain reconsidérera sa décision de se retirer de cette organisation mondiale clé dont il est membre fondateur ».
Cette décision inquiète sur le continent, actuellement confronté à plusieurs épidémies, comme le mpox et le virus de Marburg.
« En Afrique, les États-Unis ont été l’un des premiers et forts partisans de la création de l’Africa CDC, l’agence technique de l’Union africaine pour les urgences de santé publique qui travaille avec l’OMS et les membres mondiaux de l’OMS pour détecter, préparer, répondre et se remettre des pandémies », a notamment mis en garde l’UA.
Le décret signé par le président américain, qu’il justifie par l’écart des contributions financières américaines et chinoises, a fait réagir à travers le monde, l’Union européenne se disant « inquiète », la Chine affirmant que « le rôle de l’OMS doit être renforcé, pas affaibli ».
Les Etats-Unis, qui avaient déjà entamé les démarches pour quitter l’OMS lors du premier mandat de M. Trump en 2020, sont le principal donateur et partenaire de cette organisation onusienne basée à Genève.
En se retirant de l’organisation, les Etats-Unis vont perdre un accès privilégié à des données de surveillance épidémique importantes, ont mis en garde plusieurs experts, ce qui pourrait nuire aux capacités de surveillance et de prévention des menaces sanitaires venues de l’étranger.
Ce retrait inquiète d’autant plus qu’il survient au moment où la forte circulation du virus de la grippe aviaire aux Etats-Unis accentue les craintes d’une prochaine pandémie. Le pays a recensé début janvier un premier décès humain lié au virus H5N1.
L’absence des États-Unis dans l’OMS [aura un effet sur l’état] de la santé publique et les échanges d’informations scientifiques. La quote-part du pays représente 500 millions de dollars de contributions au budget de l’OMS, sur 1,1 milliard. L’impact de ce départ touchera 70 % de l’OMS, un séisme sanitaire.
Il apparaît que cette décision des Etats-Unis entrainera une diminution à court terme des capacités de financement de l’OMS. En Afrique par exemple, l’OMS intervient notamment dans le renforcement des systèmes de santé, la lutte contre les maladies transmissibles et non transmissibles, la gestion des urgences sanitaires, la santé maternelle et infantile, la nutrition et la sécurité alimentaire.
L’appui de l’organisation a notamment été d’une grande aide dans les efforts des pays africains à faire face à la pandémie de la COVID-19. Les efforts coordonnés des Etats et de l’OMS ont permis de structurer une riposte efficace, particulièrement avec le programme COVAX, pour la distribution de vaccins. Cet épisode a notamment mis en évidence l’importance des partenariats mondiaux pour soutenir les systèmes sanitaires et la gestion des pandémies en Afrique.
De plus, si le retrait des Etats-Unis de l’OMS soulève des questionnements sur la capacité de l’OMS à répondre aux futures crises sanitaires, elle crée également des incertitudes sur les efforts de surveillance épidémiologique.
Cette situation arrive surtout dans un contexte déjà préoccupant. Le 16 janvier 2025, l’OMS a lancé un appel d’urgence pour la santé, demandant 1,5 milliard de dollars pour répondre à des crises sanitaires mondiales « sans précédent ». Selon l’organisation, 305 millions de personnes auront un besoin urgent d’aide humanitaire en 2025, en raison des conflits, du changement climatique, des épidémies et des déplacements de populations. Cet appel vise à soutenir des interventions vitales dans 42 urgences sanitaires en cours, dont 17 sont classées au niveau 3, le plus élevé en matière de gravité.
Face à cette décision, l’Union européenne (UE) a tenté de rassurer. Peu après la victoire de Trump, la porte-parole adjointe du Parlement de l’UE, Delphine Colard, a déclaré que l’institution « fera de son mieux pour assurer la poursuite du financement de l’OMS dans les limites de son budget ». Toutefois, les marges de manœuvre semblent restreintes, l’UE ayant déjà dû réduire d’un milliard d’euros son propre programme EU4Health.
Alors que le continent fait face à des défis importants en matière de gestion des crises sanitaires, la décision américaine accentue les incertitudes et soulève l’importance de diversifier les partenariats en matière de santé. (ASP/2025)