24 JANVIER (ASPAMNEWS)- Ce Week-end est consacré à la lèpre, la maladie de la honte. Ce sera donc une occasion pour les autorités de différents pays de se mobiliser pour sensibiliser contre ce fléau qui continue de marginaliser des populations entières. Si grâce à certaines actions, le nombre de cas a considérablement diminué, la lèpre reste encore présente dans 120 pays, à travers le monde.
La lèpre frappe encore les communautés entières en 2025. Maladie de la misère et de la honte, loin d’être éradiqué, touche plus de 3 millions de personnes. Des populations isolées, stigmatisées et coupées des systèmes de santé. Brésil, Inde, Éthiopie, Nigeria… Souvent associée aux civilisations anciennes, la maladie est encore présente dans 120 pays.
Selon les chiffres de l’OMS, à raison de plus de 200.000 nouveaux cas dépistés chaque année, la transmission reste active et frappe une personne toutes les trois minutes dans le monde. Plus alarmant, ces chiffres sont souvent sous-estimés, tant la maladie est négligée.

Ce vendredi 24 janvier, à l’occasion de la journée mondiale des Lépreux, de nombreuses associations caritatives se mobilisent pour sensibiliser les autorités sur les conditions des malades. Lancée en 1954 par la Fondation Raoul Follereau, ce rendez-vous annuel a pris une ampleur internationale et permet chaque année de recueillir des fonds pour dépister et soigner les malades.
Dix millions de cas dans les années 1980
Car en l’absence de traitement, la maladie peut entraîner des incapacités progressives et permanentes. Infection chronique qui touche principalement la peau et les nerfs, la lèpre se manifeste par d’importantes difformités physiques.
Très contagieux – la lèpre se transmet par des gouttelettes provenant de la bouche et du nez – les malades sont discriminés et mis à l’écart. Un cercle vicieux qui rend d’autant plus difficile leur prise en charge.
Si grâce aux campagnes de dépistage, le nombre de cas a considérablement diminué ces dernières années, passant de 10 millions dans les années 1980 à 3 millions aujourd’hui, ce fléau reste encore bien ancré dans certaines régions du globe. Pour mobiliser les populations, de nombreuses ONG profitent de cette journée mondiale pour recueillir des fonds.
«La lèpre n’est pas agréable à regarder, et l’on préfèrerait souvent l’oublier»
Ainsi de l’Ordre de Malte, qui agit contre ce fléau dans treize pays d’Afrique et d’Asie du sud-est, notamment en formant des médecins envoyés sur le terrain pour des consultations itinéraires. «Chaque jour on voit des patients qui souffrent, qui ont peur, certains ont même perdu espoir.
L’immense satisfaction au bout de ce parcours, c’est de pouvoir redonner le sourire et la guérison à ces patients grâce aux traitements indispensables pour eux», témoigne Dr François Ndoumbe, chef du service de médecine à l’hôpital Saint-Jean de Malte de Njombe au Cameroun.
Implantée au Bénin depuis quarante ans, la Fondation Raoul Follereau a réussi à réduire par six le nombre de malades. Dans le centre de traitement de Pobè, au sud-est du pays, ses équipes assurent «une présence continue, marquée par un partenariat avec les autorités qui a permis au fil du temps de mettre en place de nombreuses avancées». D’ici à dix ans, la fondation caritative espère bien stopper la transmission de la lèpre.
De son côté, à Kombolcha, dans le nord de l’Ethiopie, l’association SOS Chrétiens d’Orient vient en aide à une communauté de lépreux totalement marginalisée. Afin d’autonomiser ces populations, aussi bien sur le plan financier qu’alimentaire, l’ONG prévoit de financer l’installation de moulins électriques.
«La lèpre n’est pas agréable à regarder, et l’on préfèrerait souvent l’oublier depuis qu’elle a quitté l’Europe. Pourtant, elle sévit encore aujourd’hui, touchant des personnes qui ne demandent rien d’autre que de vivre en paix, chez elles», pointe du doigt François Lavallou, chef de mission en Éthiopie. Même au XXIe siècle, la lèpre est toujours d’actualité.
Au Togo
Le pays est également confronté à la lèpre comme d’autres pays d’Afrique. Malgré les efforts ciblés pour éliminer la lèpre, de nouveaux cas continuent d’être signalés chaque année, y compris parmi les enfants. Avec environ 100 nouveaux cas par an, l’incidence de la maladie reste faible, mais ses conséquences demeurent significatives : six patients sur dix souffrent de séquelle physiques visibles. Ces séquelles témoignent d’un diagnostic tardif.
Selon le Représentant régional ouest-afrique résidant à Lomé de l’Association Allemande de la lutte contre la Lèpre et la Tuberculose (DAHW) résident à Lomé, M. Franz Wiedemann, on peut guérir la lèpre. Elle peut facilement se traiter au moyen de la polychimiothérapie (PCT).
Ce traitement, une combinaison de rifampicine, clofazimine et de dapsone, est efficace avec peu d’effets secondaires. Depuis l’introduction de la PCT, plus de 16 millions de patients de la lèpre ont été guéris de par le monde.
Mais, faute du traitement efficace et adapté (dépistage, et diagnostic précoce), la lèpre peut entraîner des souffrances physiques et des invalidités, notamment des dégâts aux nerfs, la déformation du visage, des membres, la cécité.
Au Togo, le premier domaine d’intervention de la DAHW -Togo est la lutte contre la lèpre depuis 1964. L’objectif de l’association est d’accompagner le Programme National pour éradiquer cette maladie. Pour arriver à cet objectif, le conseiller médical de la DAHW-Togo, Dr Komi Amekusé, précise qu’il est demandé aux acteurs engagés dans cette lutte sur le terrain de suivre les malades, surtout les plus contagieux, les Multi bacillaires pendant 5 ans, en vue de détecter précocement les cas au sein de leur entourage.
Le programme national est chargé de faire respecter le suivi des contacts des malades, indique Dr Amekusé. Il relève que bien que les chiffres restent à confirmer, une centaine de nouveaux cas de lèpre sont encore diagnostiqués et mis sous traitement depuis 2016.
«Il est vrai que la DAWH ne prend pas directement en charge les cas de lèpre mais, elle appuie le programme et les agents de lutte, contre cette maladie sur le terrain. Aussi, faut-il noter que le premier signe de lèpre est une tâche sur le corps. Elle peut être constatée partout. Pour être rassuré, il faut aller à l’hôpital. Le traitement médical de cette maladie est gratuit sur l’ensemble du territoire et les complications de la lèpre sont prises en charge dans la mesure du possible, grâce au soutien de la DAHW», souligne Dr Amekusé. Egalement, pour une lutte efficace contre la lèpre, il faut une réelle intégration de la maladie à tous les niveaux du système de santé.
Au Tchad
Devant la maison en briques ocre, composée d’une unique pièce dépourvue de meuble où elle vit avec sa mère, sa sœur et son frère, dans le hameau de Begaga, au sud du Tchad, Gisèle Djinodji, 16 ans, est accroupie au coin du feu. Elle remue les oignons qui rissolent dans un fait-tout en aluminium.
Les doigts avec lesquels elle tient le bâton qui fait office de spatule, sont amputés de plusieurs phalanges. La peau de l’adolescente est comme brûlée jusqu’aux coudes. Ces stigmates sont des séquelles de la lèpre, contractée alors qu’elle avait six ans. Aujourd’hui guérie, cela ne l’empêche ni de cuisiner, ni de travailler avec sa mère dans les champs de mil, de sésame et d’arachide qui jouxtent sa maison.
« Je rêve de fonder une famille, de devenir commerçante et de quitter la brousse, soupire-t-elle. Mais je sais qu’avec les idées reçues autour de cette maladie, personne ne viendra m’acheter des produits. En ville, on ne me parle pas et je sens le poids des regards sur moi », révèle l’adolescente, complexée, contrainte d’abandonner l’école à l’apparition des premiers symptômes.
« On trouve la lèpre là où la route s’arrête »
Son visage, fermé jusque-là, s’illumine à force de flatteries de Defiah Kakiang, 41 ans, médecin spécialisé en lèpre de la Fondation Raoul Follereau, venu lui rendre visite. « Tu es une star, ton portrait va être affiché de partout en France », lance-t-il, complice.
L’adolescente a été choisie pour incarner la campagne de la Fondation Raoul Follereau à l’occasion de la journée mondiale de la lèpre, du 24 au 26 janvier. Près de deux cents affiches sont installées à cette occasion à Lyon, Paris, Nantes et Nancy. La fondation, qui a contribué à la guérison de 16 millions de malades en 30 ans dans le monde, met cette année le Tchad en avant.
« Il s’agit d’un des quatre pays prioritaires avec le Bénin, la Côte d’Ivoire et Madagascar, précise Arnaud de Longevialle, 60 ans, représentant de la Fondation Raoul Follereau au Tchad. Chaque année, entre 300 et 400 malades sont pris en charge dans le pays. Mais nous ne pouvons pas couvrir tout le territoire. »
Son visage, fermé jusque-là, s’illumine à force de flatteries de Defiah Kakiang, 41 ans, médecin spécialisé en lèpre de la Fondation Raoul Follereau, venu lui rendre visite. « Tu es une star, ton portrait va être affiché de partout en France », lance-t-il, complice.
L’adolescente a été choisie pour incarner la campagne de la Fondation Raoul Follereau à l’occasion de la journée mondiale de la lèpre, du 24 au 26 janvier. Près de deux cents affiches sont installées à cette occasion à Lyon, Paris, Nantes et Nancy. La fondation, qui a contribué à la guérison de 16 millions de malades en 30 ans dans le monde, met cette année le Tchad en avant.
« Il s’agit d’un des quatre pays prioritaires avec le Bénin, la Côte d’Ivoire et Madagascar, précise Arnaud de Longevialle, 60 ans, représentant de la Fondation Raoul Follereau au Tchad. Chaque année, entre 300 et 400 malades sont pris en charge dans le pays. Mais nous ne pouvons pas couvrir tout le territoire. »
L’histoire de Gisèle est symptomatique des malades de la lèpre, conjuguant une extrême précarité, une absence d’hygiène, et le recours à la médecine traditionnelle à base de scarifications, brûlures, crèmes et infusions. « Au Tchad, on trouve la lèpre là où la route s’arrête, résume Defiah Kakiang. Elle touche les populations pauvres, démunies et isolées. Ici, l’eau, trop rare pour la toilette ou la lessive, est uniquement destinée à la consommation. »
La lèpre est transmise par des gouttelettes d’origine nasale et buccale lors de contacts étroits et fréquents avec des personnes infectées et non traitées. La période d’incubation de cette maladie chronique d’origine bactérienne est de cinq ans en moyenne, mais les symptômes mettent parfois vingt ans à apparaître.
« C’est un travail de longue haleine, ajoute le médecin. On peut avoir l’impression d’avoir éliminé la lèpre dans certaines localités et les résurgences n’apparaissent qu’une dizaine d’années plus tard. »
Dépistage
Dans cette lutte sans relâche, les médecins et infirmiers sont en première ligne. Ils battent la campagne jusque dans les villages les plus reculés en brousse. « Nous manquons de personnel pour cela, complète Defiah Kakiang. Il y a au Tchad une trentaine d’infirmiers spécialisés en lèpre. Il en faudrait sept fois plus. »
À Bekoro, sur les rives du Logone, le médecin profite d’une campagne de vaccination pour venir dépister des malades. Dans ce village de 600 habitants, cinq personnes sont prises en charge à cette occasion. Viviane Mekongnodji, 40 ans, le visage boursouflé par la lèpre, honteuse et inquiète, sèche ses larmes pendant que le médecin l’examine.
Les plaques, chaudes et douloureuses, couvrent également le reste de son corps. Elle a perdu la sensibilité des mains et des pieds à cause de la maladie et s’est brûlée en cuisinant. Romain Mbai-Angon, 39 ans, le corps sec et élancé, également infecté, s’est blessé au pied sans s’en rendre compte, en travaillant dans les champs.
Sur une salle d’opération improvisée à même le sable, armé d’une pince coupante, dite pince Gouge, nettoyée à l’eau courante avec un peu de javel, Defiah Kakiang lui ôte les peaux mortes autour de la blessure, creusant un trou de près d’un centimètre dans la chaire plantaire. Il pose ensuite un bandage avec de la vaseline afin d’aider à la cicatrisation. Mais la blessure étant déjà profonde, le médecin s’inquiète qu’elle touche l’os et conduise à une amputation.
Suite aux examens et interventions, il remet gratuitement aux différents malades le traitement fourni par l’OMS. Il s’agit d’une polychimiothérapie composée de trois antibiotiques. Dès sa première prise, les malades ne sont plus contagieux. Ce traitement fastidieux est à prendre chaque jour pendant six à douze mois selon les cas.
« On ne donne pas la totalité des médicaments aux patients, car on veut qu’ils reviennent nous voir dans le centre de santé le plus proche afin de suivre leur guérison, explique le docteur. L’objectif est d’éviter de les perdre de vue. »
C’est ce qui est arrivé avec Richard Mbaigolmen, 10 ans, contraint de fuir avec sa mère son village, envahi par les eaux à la suite de la crue du Logone pendant l’intense saison des pluies. Il a arrêté son traitement. Defiah Kakiang l’accueille chaleureusement lorsqu’il revient deux mois après au centre de santé de Mbikou, le plus proche de Bekoro, d’où l’enfant est originaire.
« Il est important de reprendre chaque jour les comprimés jusqu’en mars pour guérir et éviter les séquelles. Si elles s’installent plus de six mois, elles seront irréversibles », insiste le médecin en lui donnant rendez-vous dans trois semaines.
Dans un pays comme le Tchad, les aléas climatiques et l’éloignement des centres de santé, parfois à plus de 60 km des villages, rendent le suivi des malades incertain. « Des patients nous disent également qu’il leur est difficile de prendre le traitement le ventre vide, car ils n’ont pas de quoi se nourrir chaque jour, ajoute Defiah Kakiang. La solution serait de réduire la durée du traitement. Des expérimentations sont en cours pour identifier de nouvelles molécules permettant de soigner la lèpre en quelques prises. J’espère que cette journée mondiale permettra de mobiliser des fonds afin d’accélérer la recherche et d’améliorer le suivi des malades. »
Dans le monde, les données récentes de l’OMS montrent que la proportion des enfants nouvellement diagnostiqués de la lèpre (parmi toutes les personnes), s’élève à 8,9%. Cela indique que beaucoup d’enfants sont encore atteints et que la transmission de l’infection est en cours dans des communautés endémiques pauvres.
En 2015, 210.758 nouveaux cas de lèpre ont été détectés contre 213.899 cas en 2014. De même, le nombre de personnes diagnostiquées à un stade avancé de la maladie, présentant des incapacités sérieuses, a augmenté par rapport aux années antérieures.
Ce qui signifie que les systèmes de santé existants éprouvent des difficultés à reconnaître et à traiter la lèpre suffisamment tôt pour prévenir les personnes touchées par la maladie à développer des incapacités.
Selon les informations publiées par la Fédération Internationale des Associations de lutte contre la lèpre (ILEP), si les personnes touchées par la lèpre ne sont pas traitées, non seulement leur risque de développer une incapacité s’accroît, mais aussi, le risque est plus grand de rendre permanente l’infection dans la communauté. Ce qui constitue une menace majeure pour le contrôle de la maladie.
Par ailleurs, les programmes de la lutte contre la lèpre ont obtenu des résultats impressionnants au cours des trois dernières décennies avec l’introduction de la PCT. La prévalence enregistrée de la lèpre a globalement diminué de plus de cinq millions de personnes au milieu des années 80 à environ 200.000 en 2015.(DTM/2025)