KINSHASA, 1 FEVRIER (ASPAMNEWS)- Après Goma, le groupe armé et les troupes rwandaises ont avancé dans la province voisine du Sud-Kivu, vers la cité minière de Nyabibwe, au nord de Bukavu. Au moins 700 personnes ont été tuées et 2800 autres blessées lors des affrontements pour le contrôle de la ville de Goma entre les FARDC et les rebelles du M23, entre le dimanche 26 janvier et le jeudi 30 janvier, selon l’Organisation des Nations unies.
Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, est tombée ces derniers jours aux mains du M23 et de l’armée rwandaise, après une offensive de seulement quelques semaines. Mercredi et jeudi, le M23 et les troupes rwandaises ont progressé dans la province voisine du Sud-Kivu, vers la cité minière de Nyabibwe, à une centaine de kilomètres de Bukavu.

Dans un communiqué publié vendredi, l’armée ougandaise a déclaré qu’elle « adoptera[it] une posture défensive avancée (…) jusqu’à ce que la crise soit passée » et précise que l’objectif est « de dissuader et d’empêcher les nombreux autres groupes armés négatifs opérant dans l’est de la RDC d’exploiter la situation, et de protéger et de sécuriser les intérêts de l’Ouganda ».
L’armée ougandaise cite nommément le groupe armé des ADF (Forces démocratiques alliées), à l’origine des rebelles ougandais majoritairement musulmans. Ils sont implantés depuis le milieu des années 1990 dans le nord-est de la RDC, où ils multiplient pillages et meurtres malgré le déploiement de l’UPDF aux côtés des Forces armées congolaises (FARDC). « L’UPDF, en collaboration avec les FARDC, (…) suit de près l’évolution de la situation sécuritaire et continuera de traquer agressivement les restes des ADF partout où ils vont », a-t-elle assuré.
«Nous sommes à Goma pour y rester» et «nous allons continuer la marche de libération jusqu’à Kinshasa», avait déclaré auparavant un cadre du M23 lors d’une conférence de presse à Goma. Face à l’aggravation de la situation, le président congolais Félix Tshisekedi a assuré mercredi qu’une «riposte vigoureuse» était en cours.
Des dizaines de cas de viols étudiés
L’ONU a exprimé vendredi son inquiétude face aux violences généralisées dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où le conflit entre l’armée congolaise et le groupe armé antigouvernemental du M23 s’accompagne de nombreux viols et exécutions sommaires.
Outre les bombes qui ont touché au moins deux sites abritant des personnes déplacées internes «causant des victimes civiles», selon le porte-parole du bureau des droits de l’homme de l’ONU, Jeremy Laurence, «nous avons également documenté des exécutions sommaires d’au moins 12 personnes par le M23 entre le 26 et le 28 janvier», a-t-il déclaré.
Dans les zones sous contrôle du M23 au Sud-Kivu, comme Minova, il a indiqué que le groupe avait «occupé des écoles et des hôpitaux, forcé les déplacés à quitter les camps et soumis la population civile à des enrôlements forcés et au travail forcé». Le bureau des droits de l’homme a par ailleurs documenté «des cas de violences sexuelles liées au conflit par l’armée (congolaise) et les combattants Wazalendo alliés dans le territoire de Kalehe», a-t-il précisé.
«Nous vérifions des informations selon lesquelles 52 femmes ont été violées par des soldats congolais au Sud-Kivu, incluant des allégations de viols collectifs», a-t-il ajouté. Il a également mentionné des rapports des autorités de la RDC indiquant qu’au moins 165 femmes ont été violées par des détenus masculins après une évasion de plus de 4.000 prisonniers de la prison de Muzenze à Goma le 27 janvier, alors que le M23 commençait son assaut sur la ville.
Le Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), tenu vendredi 31 janvier à Harare, a fermement condamné les récentes attaques menées par le groupe armé M23 et les Forces de défense rwandaises (RDF) contre les forces gouvernementales de la République Démocratique du Congo (RDC), la mission de la SADC en RDC (SAMIDRC), ainsi que la population civile dans les zones du Nord-Kivu. Ces actions ont été qualifiées par la SADC de violations graves du cessez-le-feu négocié dans le cadre du processus de Luanda, mettant en péril non seulement la paix en RDC, mais aussi la stabilité de toute la région de la SADC.
Lors de cette réunion, présidée par Emmerson Dambudzo Mnangagwa, Président du Zimbabwe et actuel Président de la SADC, les dirigeants ont réaffirmé leur soutien indéfectible à la République Démocratique du Congo dans sa quête pour préserver son intégrité territoriale et renforcer la paix et la sécurité sur son sol. Ils ont exprimé leur solidarité avec le peuple congolais et ont appelé à la cessation immédiate des hostilités.
«Les violences sexuelles liées au conflit sont une caractéristique épouvantable du conflit armé dans l’est de la RDC depuis des décennies», a souligné Jeremy Laurence. Le chef des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, «est particulièrement préoccupé par le fait que cette dernière escalade risque d’aggraver encore davantage le risque de violences sexuelles liées au conflit», a-t-il ajouté. De même, «la prolifération généralisée actuelle des armes à Goma aggrave les risques déjà importants de violations et d’abus graves», a-t-il dit, appelant à des enquêtes et à traduire en justice les auteurs de ces crimes.
Une paix impossible ?
Face à cette situation alarmante, le président congolais Félix Tshisekedi a fermement condamné «le silence» et «l’inaction» de la communauté internationale face à «la barbarie du régime de Kigali», mettant en garde contre «une escalade aux conséquences imprévisibles» dans la région des Grands Lacs.
Si la Belgique a demandé à l’Union européenne d’envisager des sanctions contre le Rwanda, suivie par Londres, jusqu’à présent, les initiatives diplomatiques – notamment françaises -, pour régler le conflit qui dure depuis plus de trois ans n’ont rien donné. L’est de la RDC est déchiré depuis des décennies par les violences de multiples groupes armés, exacerbées après le génocide de 1994 au Rwanda.
A noter que LE CHEF DE L DIPLOMATIE FRAN9AISE? jean-Noël Barrot, était en visite à Kinshasa jeudi. Ce dernier s’est ensuite rendu à Kigali, où il doit rencontrer ce vendredi le président Paul Kagame pour demander «le retrait des troupes rwandaises» de l’est de la RDC, selon ses services.
Le gouvernement de Kinshasa accuse le Rwanda de vouloir faire main basse sur les ressources, minières de l’Est congolais, une des raisons pour lesquelles, selon lui, Kigali soutient la rébellion du M23.
Le Sommet a également exprimé ses plus sincères condoléances à la RDC, ainsi qu’aux Républiques du Malawi, d’Afrique du Sud et de la Tanzanie, pour la perte de soldats au service du SAMIDRC lors des attaques à Sake, dans l’est de la RDC. Les dirigeants ont souhaité un prompt rétablissement aux blessés et ont souligné l’urgence de restaurer les services essentiels dans les zones affectées par le conflit, notamment l’eau, l’électricité et les approvisionnements alimentaires.
En réponse à la détérioration de la situation, le Sommet a renouvelé son engagement en faveur des efforts diplomatiques pour parvenir à une solution pacifique, en soutenant activement les processus de paix menés dans le cadre du Processus de Luanda et du Processus de Nairobi. Un appel a été lancé pour la tenue d’un Sommet conjoint avec la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), afin d’unir les efforts pour rétablir la paix et la sécurité dans la région.
Les chefs d’État et de gouvernement ont aussi mandaté la Troïka de l’Organe de la SADC sur la coopération en matière de politique, de défense et de sécurité, pour engager toutes les parties prenantes dans un processus de cessez-le-feu, visant à protéger les vies humaines et à faciliter l’aide humanitaire. Un soutien logistique et diplomatique a été prévu pour garantir la sécurité des troupes du SAMIDRC et faciliter le rapatriement des soldats décédés et blessés.
Le Sommet a réaffirmé sa solidarité avec la RDC et a salué les efforts des soldats du SAMIDRC pour la préservation de la paix et de la sécurité dans la région. (SPG/2025)