14 juin (ASPAMNEWS)- Après l’attaque massive sur ses capacités de production nucléaire, l’Iran a riposté, dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 juin, par plusieurs salves de missiles contre Israël. De son côté, l’armée israélienne avec son Opération « Rising Lion » a considérablement affaibli le programme nucléaire de la République islamique, mais Téhéran pourrait désormais être tenté de jouer le tout pour le tout.
Malgré les attaques successives entre Israël et l’Iran, les États-Unis veulent croire à une issue diplomatique. « Les Iraniens savent qu’ils peuvent reprendre les négociations, et nous espérons qu’ils choisiront de le faire », a déclaré sur Foxw News le secrétaire américain à la défense Pete Hegseth, alors que l’Iran a averti les États-Unis, mais aussi la France et le Royaume-Uni, que leurs bases et leurs navires dans la région seraient pris pour cible s’ils contribuaient à empêcher les frappes de Téhéran sur Israël.
« Depuis le début de l’opération, plus de 20 commandants de l’appareil de sécurité du régime iranien ont été éliminés », parmi lesquels des commandants des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique, a indiqué l’armée israélienne dans un communiqué.
Selon l’agence Tasnim, proche des Gardiens de la Révolution, deux membres de ce groupe paramilitaire ont été tués dans le centre du pays. Un commandant local de la police a aussi été tué à Assadababd (310 km à l’ouest de Téhéran), a ajouté l’agence Isna.
«Israël peut endommager le programme nucléaire iranien, mais il est peu probable qu’il puisse le détruire», commente pour l’AFP le chercheur Ali Vaez, de l’International Crisis Group, un cercle de réflexion américain. Le pays, dit-il, ne dispose pas des puissantes bombes nécessaires «pour détruire les installations fortifiées de Natanz et Fordo», enterrées à de grandes profondeurs en Iran.
A l’heure actuelle, le centre pilote d’enrichissement d’uranium de Natanz, dans le centre du pays, a été «détruit» dans sa partie en surface, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), citant des informations des autorités iraniennes.
Cette destruction, confirmée par des images satellite, est «significative», estime dans un rapport l’Institut pour la science et la sécurité internationale (Isis), un organisme basé aux Etats-Unis spécialisé dans la prolifération nucléaire.
Les attaques visant l’alimentation électrique «peuvent fortement endommager» les milliers de centrifugeuses présentes, machines utilisées pour enrichir l’uranium, «si les batteries de secours s’épuisent. Au minimum, Natanz ne va pas pouvoir opérer pendant un certain temps», ajoute l’institut. L’autre site d’enrichissement, celui de Fordo, situé au sud de la capitale iranienne, a aussi été visé. Selon Téhéran, les dégâts infligés sont mineurs.
L’usine de conversion d’Ispahan fait également partie des cibles. C’est a priori dans ce complexe que se trouvent les importantes réserves d’uranium hautement enrichi. Qu’est-il advenu de ces stocks ? Impossible de le savoir à ce stade. «Si l’Iran parvient à en transférer une partie vers des installations secrètes, Israël aura perdu la partie», souligne Ali Vaez.
L’instance nucléaire onusienne n’a pas constaté de hausse des niveaux de radiation sur les différents sites affectés. «Il y a très peu de risques que des attaques contre les installations d’enrichissement d’uranium entraînent des rejets radioactifs dangereux», souligne Kelsey Davenport.
En revanche, une attaque contre la centrale nucléaire de Bouchehr pourrait avoir «de graves conséquences sur la santé et l’environnement». Les sites nucléaires «ne doivent jamais être attaqués, quels que soient le contexte ou les circonstances, car cela pourrait nuire à la population et à l’environnement», a insisté vendredi le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi.
Après le retrait unilatéral en 2018 des Etats-Unis de l’accord international sur le nucléaire conclu trois ans plus tôt, l’Iran s’est progressivement affranchi de certaines obligations, accélérant notamment l’enrichissement d’uranium bien au-delà de la limite fixée à 3,67 %.
Le pays disposait mi-mai de 408,6 kg d’uranium enrichi à 60 %. Un tel stock, s’il était enrichi à 90 %, le seuil nécessaire à la conception d’une bombe atomique, permettrait d’en fabriquer plus de neuf. L’Iran est le seul pays au monde non-détenteur d’armes nucléaires à produire une telle matière, selon l’AIEA, qui déplore par ailleurs le manque de coopération de Téhéran.
Pour autant, dans son dernier rapport, l’Agence indique qu’elle «ne dispose d’aucune indication crédible d’un programme nucléaire structuré» visant à doter l’Iran de l’arme atomique, comme cela a pu être le cas par le passé. Téhéran se défend de nourrir de telles ambitions.
«Jusqu’à présent, les coûts liés à la militarisation l’ont emporté sur les avantages. Mais ce calcul pourrait changer dans les semaines à venir», prévient Kelsey Davenport. «Les frappes israéliennes ont fait reculer l’Iran sur le plan technique, mais sur le plan politique, elles le rapprochent de l’arme nucléaire», poursuit-elle.
D’autant qu’il existe désormais «un risque réel de détournement de l’uranium enrichi», une opération qui «pourrait passer inaperçue pendant des semaines», les frappes actuelles empêchant les inspecteurs de l’AIEA d’accéder aux sites. (PFK/2025)