A La Haye, au procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, la parole est depuis deux jours à l’accusation, qui a répété mardi qu’un plan commun, destiné à Laurent Gbagbo, avait été mis en place pour éliminer des civils pro-Ouattara.
Mais l’accusation se heurte à une difficulté : parvenir à prouver que les exactions commises sont un crime contre l’humanité.
Avec notre envoyé spécial à La Haye, Pierre Firtion
Le substitut du procureur avait certes marqué des points mardi matin, lorsqu’il avait lu un extrait du discours prononcé à Divo par Laurent Ggagbo le 27 août 2010. Discours dans lequel le président ivoirien en exercice avait lancé aux CRS, « s’il y a des dégâts, les juges après rétabliront ».
« Laurent Gbagbo a incité les forces qui lui étaient loyales à commettre des crimes », en a alors conclu Eric Mac Donald. Mais malgré cela les éléments mis en avant par l’accusation pour tenter de prouver le crime contre l’humanité sont apparus plus fragiles. Car, pour caractériser un tel crime, il faut démontrer l’existence d’un plan concerté du pouvoir pour éliminer les civils pro-Ouattara.
Or, sur ce dernier point, Eric MacDonald est en apparu en difficulté, ayant du mal à démontrer que ces éliminations de civils avaient un caractère systématique. Quant à une présumée planification de ces exactions, le substitut du procureur a admis qu’il n’existait pas de preuve écrite de son existence. Et l’argument selon lequel ce plan aurait été concocté lors de réunions régulières entre Laurent Gbagbo et son entourage immédiat est apparu pour le moins léger.
La défense avait d’ailleurs répondu il y a quelques mois qu’il était normal que le président ivoirien réunisse ses proches en période d’instabilité.
L’accusation maintient ses accusations envers Charles Blé Goudé
Le substitut du procureur a confirmé qu’il retirait ses accusations contre Charles Blé Goudé pour les crimes commis à Abobo en mars 2011, à savoir la répression d’une manifestation de femmes et le bombardement d’un marché. Mais Eric MacDonald a aussitôt ajouté que cela ne modifiait pas de façon substantielle les crimes reprochés à l’ancien ministre de Laurent Gbagbo.
Aux yeux de l’accusation, ce dernier s’est non seulement engagé dans un effort soutenu pour mobiliser les jeunes afin qu’ils commettent des actes violents, mais les instructions qu’il leur a données avant plusieurs incidents ont eu un effet direct sur la commission des crimes.
« Le 24 février 2011, monsieur Blé Goudé prononce un discours pour les jeunes, sur la télévision nationale, à 20h. Dans ce discours, il appelle tous les jeunes de la Côte d’Ivoire d’empêcher les convois des Nations unies de sortir de la commune d’Abidjan », rappelle Eric MacDonald. « Puis, le 25 février 2011, monsieur Blé Goudé, sur la RTI, exhorte les jeunes pro-Gbagbo à monter sur des barricades et à commettre des actes de violence. On note que monsieur Blé Goudé demande aux jeunes de contrôler les allées et venues dans leur quartier. Ils ont pour mission de rapporter toute présence ou arrivée d’étrangers. »
Pour le substitut du procureur, Charles Blé Goudé était un intermédiaire essentiel entre le président ivoirien de l’époque et les jeunes pro-Gbagbo. Mais, là encore, la démonstration de l’accusation s’est fragilisée au moment de prouver que les exactions commises contre les civils pro-Ouattara étaient systématiques et qu’elles résultaient d’un plan concerté.
L’accusation avancera ses derniers arguments ce mercredi matin, avant que n’interviennent les représentants des victimes. (PAF/2018)
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