GUINEE : Le régime Alpha Condé épinglé sur les questions de droits humains

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(ASPAMNEWS) – 32 morts, 90 blessés, une jeune fille violée, des dizaines de bâtiments détruits, des morgues saturées de corps, des dépouilles secrètement enterrées dans des fosses communes : les rapports de Human Rights Watch et d’Amesty International sont accablants. Dans le viseur? La violence arbitraire des forces de l’ordre dans un pays au bord de l’insurrection.

À l’approche de l’élection présidentielle du 18 octobre prochain, le président sortant Alpha Condé, 82 ans, qui présente pour la troisième fois sa candidature à l’occasion d’un scrutin très contesté, n’avait vraiment pas besoin de ça.

Accusé par l’opposition, les institutions régionales et la communauté internationale d’avoir fomenté un coup d’état constitutionnel, Alpha Condé fait face à un vent de révolte sans précédent dans son pays.

Un mouvement de contestation mis en place dès le mois d’octobre 2019 à l’occasion de la création du Front National de Défense de la Constitution (FNDC), un collectif de partis politiques, de syndicats et de membres de la société civile qui dénonce la dérive autoritaire d’Alpha Condé, et qui conteste son projet de référendum constitutionnel, mis en place dans l’unique but de modifier la Constitution de 2010 et de lui permettre de se représenter à la fonction suprême pour un troisième mandat.

 Un bilan humanitaire catastrophique pour le chef de l’État 

 De plus en plus isolé sur le plan international ainsi qu’au sein de son gouvernement, Alpha Condé tente, coûte que coûte de maîtriser la dernière ligne droite de sa campagne électorale, accumulant les démonstrations de force, ou d’évitement : absence au Sommet de la CEDEAO le 7 septembre dernier ou encore fermeture des frontières avec Dakar et Bissau.

Au sein de la population, le chef d’État a manifestement perdu la confiance de toutes les communautés du pays : Peulhs, Soussous, et même Malinkés, sa propre ethnie.

Deux ONGs de premier plan, Human Rights Watch et Amnesty International, viennent de publier consécutivement deux rapports accablants pour le chef de l’Etat.

Le rapport de Human Rights Watch dénonce les violences électorales et intercommunautaires de la région forestière de N’Zérékoré du printemps, causées par le très contesté référendum constitutionnel aux nombreuses irrégularités.

 « Les forces de défense et de sécurité ont eu recours aux armes à feu de manière illégale »

 À cette occasion, le rapport de HRW revient sur la passivité, voire la complicité des forces de sécurité, qui n’ont pas su protéger la population face à un déchainement de violence : 32 morts (dont 3 enfants et une personne brûlée vive), 90 blessés, une jeune fille violée et des destructions matérielles.

« Les forces de sécurité guinéennes n’ont pas agi avec l’efficacité ou la volonté requises pour faire cesser les violences dévastatrices qui ont accompagné les élections législatives et le scrutin constitutionnel de mars à Nzérékoré », résume Ilaria Allegrozzi, chercheuse à Human Rights Watch.

 Pire, selon certains témoins, les forces de l’ordre auraient « tué deux personnes », et « passé à tabac et arrêté arbitrairement des dizaines d’hommes », n’hésitant pas à entrer par effraction dans les maisons et à les piller.

Dans un rapport publié jeudi 1er octobre, Amnesty International renchérit avec un bilan plus global sur la fin de mandat d’Alpha Condé et évoque « au moins 50 personnes » tuées entre octobre 2019 et juillet 2020, 200 blessés, et des arrestations et détentions arbitraires.

Le rapport « apporte la preuve que (…) les forces de défense et de sécurité ont eu recours aux armes à feu de manière illégale dans plusieurs villes du pays ».

 Risque de nouvelles violations des droits humains pendant l’élection

 Même constat macabre chez Amnesty international et chez HRW : le non-respect des cadavres. De nombreuses dépouilles, apportées par des parents ou par des passants, ont été refusées par les morgues des hôpitaux publics. Selon le rapport d’Amnesty international, les autorités auraient empêché volontairement « l’accueil dans les hôpitaux des corps de victimes déplacés », afin de fausser la comptabilisation des victimes…

 Le virage autocratique d’Alpha Condé semble se renforcer à l’approche du scrutin, et les organisations de défense des Droits de l’homme dénoncent des risques de dégradation sécuritaire. Ilaria Allegrozzi redoute « un risque de nouvelles violations des droits humains avant et pendant l’élection » dans un pays qui sombre peu à peu dans le chaos. (SPM/2020)

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