12 avril (ASPAMNEWS)- La vague contestataire contre le gouvernement d’Ivan Duque qui a débuté le 28 avril se poursuit en Colombie. A l’origine de ce mouvement de protestation, une réforme de la fiscalité qui prévoyait une hausse de la TVA et une augmentation de l’impôt sur le revenu.
« La colère sociale s’est élargie vers tout un tas d’autres sujets, commente Jacobo Grajales, professeur de science politique à l’université de Lille. D’une part vers des sujets économiques et sociaux. La contestation s’est également élargie dans une deuxième direction, celle des violences policières. Le bilan aujourd’hui est lourd en termes humains. »
Les chiffres officiels recensent au moins 42 morts. L’ONG Temblores comptabilise 47 morts, 39 d’entre eux seraient dus à des violences policières.
On a vu des vidéos qui ont été diffusées et authentifiées par les médias colombiens dans lesquelles des policiers tiraient à bout portant sur les manifestants parfois totalement désarmés.
Bien que le président Ivan Duque ait retiré sa réforme, la contestation ne faiblit pas. « D’une part parce qu’il y a une problématique de paupérisation des classes populaires, et des petites classes moyennes colombiennes qui est patente », explique l’universitaire. La Colombie a vu son PIB chuter de 6,8% en 2020, le chômage atteint 16,8%. Un marasme social avec l’explosion de la pauvreté qui touche 42,5 % de la population.
« C’est évidemment la faute de la pandémie de Covid mais c’est également quelque chose qui est à mettre en lien avec des difficultés plus structurelles de l’économie colombienne, ajoute Jacobo Grajales. Plus de la moitié de la force de travail est dans le secteur dit «informel», et une économie colombienne qui offre très peu de filets de sécurité sociale aux travailleuses et aux travailleurs, ce qui fait qu’un choc comme celui de la Covid met directement les gens dans une situation de précarité extrême, puisqu’il n’y a rien derrière pour assurer la survie matérielle. »
Face à cette mobilisation sociale, la réponse du gouvernement a d’abord été répressive. « En Colombie, les manifestations se finissent souvent mal, précise-t-il. Et lorsque la situation a commencé à dégénérer, la réaction a été d’une part de ne pas reconnaître, – et le gouvernement ne l’a toujours pas fait – qu’il y avait des violences policières. Ça a été l’une des choses qui ont alimenté l’escalade. Et le deuxième point ça a été le déploiement de l’armée, qui pour l’instant, d’après les éléments que j’ai eus, se tient de façon relativement discrète parce qu’en fait elle a été déployée plutôt sur des axes de communication en soutien à la police. Mais disons que symboliquement, le fait de déployer l’armée dans les villes – même si en Colombie c’est relativement habituel du fait de l’histoire du pays – ça a montré que l’on était face à un gouvernement qui n’était pas forcément disposé à négocier. »
Le Président a finalement accepté de recevoir les chefs de file des mouvements de protestation. « Il a dû se passer deux semaines et plus de trente morts pour que le gouvernement accepte de les rencontrer, ajoute Jacobo Grajales. Donc ça c’est déjà un premier élément qui peut conduire à un constat d’échec sur la capacité du gouvernement colombien à mettre un cadre, disons apaisé, de négociation avec la société. » (JER/2021)