1er juin (ASPAMNEWS)- Assise derrière une imposante table en bois, face aux quelques journalistes présents, et accompagnée de son ministre de la Santé, Violeta Bermúdez lit solennellement ses fiches. La présidente du Conseil des ministres – l’équivalent de la Première ministre du Pérou – détaille les conclusions attendues du travail mené depuis le mois d’avril par un groupe d’experts péruviens et de membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ensemble, ils étaient chargés de plancher sur le bilan de la pandémie de Covid-19 dans le pays : «L’un des principaux défis a été de tenir le registre des personnes décédées, car il était nécessaire de disposer d’une méthodologie, d’une infrastructure et de protocoles spécifiques, pour lesquels toutes les institutions n’étaient pas préparées.»
Après quelques minutes à expliquer sa méthodologie, le groupe de travail, présent en visioconférence lundi, en vient à ses conclusions : comme le soufflaient depuis plusieurs mois de nombreux spécialistes, le bilan de la pandémie au Pérou est fortement sous-estimé. Plus de 180 000 personnes seraient, d’après les experts, mortes des suites du virus depuis le début de l’année 2020 dans ce pays de 33 millions d’habitants, contre 69 000 selon les chiffres officiels.
Pour expliquer une telle différence, les chercheurs expliquent, tableau à l’appui, avoir considéré sept critères pour compter les morts. Jusqu’à présent seul un test positif, dont le pays manque cruellement, confirmait qu’un décès était lié à la pandémie. Sont désormais aussi pris en compte, entre autres, les radiographies, IRM ou symptômes de pneumonies compatibles avec des cas de Covid-19. La Première ministre s’est félicitée de cette nouvelle méthodologie plus transparente, bien qu’elle révèle au grand jour les échecs successifs de son gouvernement dans ses tentatives de maîtriser le virus : «Nous allons avoir des chiffres plus exhaustifs qui nous seront très utiles non seulement pour surveiller la pandémie, mais aussi pour prendre les mesures les plus appropriées», a-t-elle anticipé.
Le Pérou loin devant la Hongrie
Ce nouveau décompte fait du Pérou le pays au monde le plus endeuillé par la pandémie proportionnellement à sa population (5 484 décès par million d’habitants, selon le décompte tenu par l’AFP), loin devant la Hongrie, qui détenait jusqu’à présent la première place de ce classement morbide (3 077 morts par million). En mars, France Stratégie, une institution gouvernementale française rattachée au Premier ministre, s’inquiétait déjà des dégâts réels de la pandémie en Amérique du Sud. Son rapport sur la surmortalité dans les pays du monde, qui comparait la mortalité sur la période du 1er mars 2020 au 28 février 2021 par rapport aux années précédentes, mettait déjà le Pérou largement en tête du classement (+106 % sur la période).
Contrairement au pays de Viktor Orban, dont plus de la moitié de la population est déjà vaccinée et où les cas sont au plus bas depuis l’été 2020, le Pérou risque de conforter sa triste première place. Depuis le début de l’année une deuxième vague s’éternise, le nombre de nouveaux cas et de décès – très largement sous-estimé – ne faiblit pas, et à peine 8 % des Péruviens ont été piqués au moins une fois. Les récents rassemblements imposants en marge du deuxième tour de l’élection présidentielle qui aura lieu le 6 juin ne laissent pas présager d’amélioration dans les semaines à venir. (SPM/2021)