BAGDAD, 21 JUIN (ASPAMNEWS)-A Bagdad, le mercure a éraflé les 50 degrés sous abri. Le printemps avait été ponctué d’une dizaine de tempêtes de sable et de poussière, elles-mêmes causées par le changement climatique et la désertification du pays.
«Par Dieu, nous sommes fatigués». Sous son toit de tôle, Oum Mohammed, 74 ans, veut «de l’air» mais tout ce qu’elle brasse avec son éventail, c’est de la chaleur. Il fait 45 degrés à Bassora, dans le sud de l’Irak, et l’été ne fait que commencer. Une inhabituelle canicule s’est abattue en juin sur l’Irak, où les fortes chaleurs sont pourtant la norme. A Bagdad, le mercure a éraflé les 50 degrés sous abri au début du mois, selon la chaîne d’Etat Iraqiya.
Par manque d’entretien et de capacité, le réseau électrique est défaillant et n’assure que quelques heures de courant par jour. Payer le propriétaire d’un groupe électrogène privé n’est pas à la portée de toutes les bourses : environ 100 euros par mois pour une famille de quatre personnes. Comme nombre d’Irakiens, Oum Mohammed n’a pas autant d’argent à débourser. Elle en veut au gouvernement de ne pas assurer la couverture en électricité. «Pourquoi fait-il ça ? Il devrait aider les pauvres, pas les combattre. Même Dieu n’est pas d’accord», maugrée la vieille femme enveloppée dans son abaya noire.
Un été en enfer, après un printemps ponctué d’une dizaine de tempêtes de sable et de poussière, elles-mêmes causées par le changement climatique et la désertification de l’Irak, selon les météorologistes. «Avec les canicules et les tempêtes de sable qui vont se multiplier, nous nous attendons à traiter davantage de patients pour des pathologies liées au climat», explique Seif Al-Badr, porte-parole du ministère de la Santé.
Le climat change, les températures augmentent et l’Irak est aux premières loges, avertit son président Barham Saleh. Il a appelé à faire de la lutte contre les effets du changement climatique «une priorité nationale, car c’est une menace existentielle pour les générations futures». Dans les campagnes, les récoltes s’annoncent catastrophiques. «La désertification affecte 39 % des terres irakiennes, la raréfaction de l’eau est un problème dans toutes nos régions», a lancé M. Saleh.
Mais pour l’heure, le climat est relégué au second plan de l’agenda politique. Huit mois après les élections législatives, les partis chiites, majoritaires, n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur le nom du nouveau Premier ministre. L’actuel chef du gouvernement Moustafa Kazimi expédie les affaires courantes.
L’Irak a beau être l’un des pays les mieux dotés en hydrocarbures au monde, il est confronté à une pénurie énergétique. Il s’est donc tourné vers l’Iran qui lui fournit un tiers de sa consommation en gaz pour faire tourner ses centrales électriques. Le niveau des fleuves ne cesse de baisser à cause des déficits en précipitations et des barrages construits par les voisins turcs et iraniens. Et ça n’est qu’un début. La Banque mondiale a estimé qu’en l’absence de politiques adaptées, l’Irak pourrait connaître d’ici 2050 une chute de 20 % de ses ressources en eau douce disponible.
A Bagdad, Abbas Nasser, 20 ans, est journalier sur les chantiers. Aujourd’hui, il transporte des brouettes de sable. «La chaleur nous tue», dit-il, en se versant une rasade d’eau fraîche sur le crâne. Il dit travailler 11 heures par jour pour 30 000 dinars (environ 20 euros). C’est très peu, «mais celui qui reste assis à ne rien faire meurt de faim». (SPM/2022)