UKRAINE: assassinat du journaliste Arman Soldin, ce que l’on sait

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10 MAI (ASPAMNEWS)-Au lendemain de la mort du journaliste Arman Soldin, sous les bombes russes près de Bakhmout, il est établi qu’il est le dixième journaliste tué pendant qu’il couvrait la guerre en Ukraine, d’après le décompte de l’association Reporters sans frontières.

Arman Soldin, 32 ans, est mort mardi 9 mai près de Bakhmout, dans la région de Donetsk dans l’est du pays, a annoncé l’agence AFP, pour qui il travaillait depuis 2015. Né à Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, et réfugié en France dès l’âge d’un an, ce journaliste reporter d’images s’était porté volontaire pour faire partie des premiers envoyés spéciaux de l’AFP dès l’invasion du pays par les troupes russes en février 2022. Après avoir occupé des postes à Rome puis Londres, Arman Soldin était devenu le coordinateur vidéo de l’agence dans le pays depuis septembre 2022 et avait l’habitude de se rendre sur le front. Voici ce que l’on sait de son décès.

Il a été touché par une roquette

Arman Soldin faisait partie d’une équipe de cinq reporters de l’AFP qui suivaient les militaires ukrainiens sur des zones de combats. Mardi, ils se trouvaient en reportage dans les environs de Tchassiv Iar, une ville proche de Bakhmout, visée régulièrement par des attaques russes, comme l’ont observé de nombreux médias, dont franceinfo. L’AFP précise que ses journalistes se rendent régulièrement dans cette zone pour rendre compte des affrontements dans la région, épicentre des combats en Ukraine depuis plusieurs mois.

Arman Soldin et ses collègues étaient avec des militaires ukrainiens lorsqu’ils ont été pris sous une salve de roquettes vers 16h30 (heure locale). Arman Soldin a été mortellement touché par un tir de roquette Grad (nom d’un type de lance-roquettes soviétique), alors qu’il s’était couché au sol pour tenter de se protéger, ont relaté ses collègues. Ces derniers s’en sont sortis indemnes.

« L’agence dans son ensemble est effondrée », a déclaré Fabrice Fries, le PDG de l’AFP. « Sa mort est un terrible rappel des risques et dangers auxquels sont confrontés les journalistes au quotidien en couvrant le conflit en Ukraine. »   

L’enquête s’annonce difficile

On ignore à ce stade si ce bombardement visait particulièrement l’équipe de journalistes, et qui l’a commandité. Dans un communiqué (en anglais), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une organisation basée aux États-Unis, a déclaré « ne pas pouvoir confirmer la source du tir de roquettes ». Il appelle les autorités russes et ukrainiennes à enquêter sur les circonstances de la mort du jeune homme.

Il faudra « établir les circonstances et les responsabilités » de la mort d’Arman Soldin en Ukraine, a abondé Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), interrogé sur franceinfo. Cette enquête sera difficile, reconnaît-il, tant « les services d’enquête ukrainiens sont absolument débordés ». Mais RSF « essaye d’apporter sa pierre à l’édifice » dans ces circonstances similaires, « et il y a les enquêtes qui peuvent être faites grâce à l’aide internationale ».

Le patron de l’ONG souligne en outre les risques auxquels font face les journalistes qui, comme Arman Soldin, filment « et qui sont obligés d’aller près du front, d’affronter une forme de danger qui parfois inflige la mort ». Pour RSF, « ça ne justifie pas les tirs délibérés dont ils font trop souvent l’objet, ni les tirs de roquette ou d’autres armements contre des civils parmi lesquels se trouvent les journalistes ».

Le monde entier a réagi à sa mort

« Avec courage, dès les premières heures du conflit il était au front pour établir les faits. Pour nous informer », a salué Emmanuel Macron sur Twitter.  Au-delà du président de la République, la mort d’Arman Soldin a suscité de très nombreuses réactions en France et à l’étranger, chez les journalistes et au sein de la classe politique. Le Stade rennais, dont il avait porté les couleurs de 2006 à 2008 dans des équipes de jeunes, a aussi fait part de « sa grande tristesse » sur le réseau social.

Plusieurs responsables politiques internationaux ont réagi. Arman Soldin « a consacré sa vie à rendre compte de la vérité au monde », a écrit le ministère de la Défense ukrainien sur Twitter, en présentant ses « sincères condoléances à sa famille et à ses collègues ». « Le monde a une dette envers Arman Soldin », a aussi déclaré la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, tandis que le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’est dit « dévasté » par sa mort.

Arman Soldin est au moins le dixième journaliste à avoir été tué en Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022, selon un décompte de RSF. D’après l’ONG, trois journalistes français sont morts dans ce conflit, après Frédéric Leclerc-Imhoff en mai 2022 et Pierre Zakrzewski en mars 2022. Le CPJ recense quant à lui au moins 15 professionnels de l’information tués en Ukraine.

Sa collègue Daphné Rousseau a livré un témoignage poignant sur Twitter. «Arman, C’est toi sur cette table de métal froid», commence-t-elle, avant de livrer des souvenirs de reportage comme quand ils avaient chanté Forever young à tue-tête dans la voiture en route pour un reportage. «Tu étais ce supplément de vie et de retour au réel, qui fait tant de bien, le soir au retour du front, effondrés dans nos pizzas quatre fromages ou sur ta trottinette à blindes dans les rues de Kiev. Ton rire, tes mimiques, tes imitations, ton sens de la fête», écrit-elle encore.

La classe politique française à l’unisson a fait part de son émotion, mêlant ses mots à ceux des médias où il a œuvré ou non dans sa carrière. «On lit leurs mots, on voit leurs images, on entend leurs voix. Derrière chaque article et chaque reportage, il y a des femmes et des hommes qui risquent leur vie pour nous informer. Arman Soldin était un des leurs», a écrit sur Twitter le député européen Stéphane Séjourné, secrétaire général du parti présidentiel Renaissance. La maire socialiste de Paris Anne Hidalgo s’est dite «très émue par cette terrible nouvelle» et a exprimé «une pensée pour tous les journalistes qui œuvrent sur tous les fronts pour nous informer partout dans le monde».

«Tout mon soutien aux journalistes des pays en guerre qui nous informent partout dans le monde, parfois au péril de leurs vies», a aussi tweeté la cheffe de file des députés La France insoumise, Mathilde Panot. «Immense émotion en apprenant ce soir le décès d’un journaliste français, Arman Soldin, mort dans l’exercice de son métier, en Ukraine», a pour sa part réagi la patronne du RN Marine Le Pen. La sénatrice écolo Mélanie Vogel a de son côté appuyé : «Cette nouvelle effroyable nous rappelle le prix de la liberté d’information, sans quoi nos démocraties ne sont rien.» D’un bout à l’autre de l’hémicycle, à l’Assemblée nationale, les députés se sont levés mardi soir pour applaudir en hommage au journaliste. Au Sénat, une minute de silence a été observée.

«Son héritage, ainsi que sa cause vivront»

L’émotion face à la disparition dépasse largement les frontières françaises. Le ministère de la Défense ukrainien a présenté ses «sincères condoléances à sa famille et à ses collègues», ajoutantqu’Arman Soldin «a consacré sa vie à rendre compte de la vérité au monde. Son héritage, ainsi que sa cause, vivront».

«Le monde a une dette envers Arman» Soldin et envers «les 10 autres reporters et employés de médias qui ont perdu la vie» en couvrant l’offensive russe en Ukraine, a également réagi mardi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre. «Le journalisme est l’un des fondements d’une société libre», a-t-elle relevé. De son côté, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’est dit «dévasté» par l’annonce de cette disparition : «Tant de journalistes travaillent pour exposer et rapporter la vérité dans des conditions extrêmement dangereuses.»

La Russie n’est pas restée silencieuse. «Il nous faut comprendre les circonstances de la mort de ce journaliste», a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en appelant à ne pas «prendre pour argent comptant» les affirmations ukrainiennes désignant les Russes comme les auteurs de la frappe mortelle. «Nous ne pouvons qu’être peinés au sujet» de la mort du coordinateur vidéo de l’AFP en Ukraine, a-t-il ajouté. (SPM/2023)

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