UKRAINE-FRAPPES RUSSES: au moins cinq morts et 700 000 personnes privées d’électricité, l’UE veut taxer les céréales russes

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KIEV, 22 MARS (ASPAMNEWS)-Une attaque russe de grande ampleur a été menée dans la nuit contre les infrastructures ukrainiennes dont la centrale Zaporijia, faisant au moins cinq morts et plusieurs autres blessées. Pendant ce temps, la Commission européenne a proposé, vendredi 22 mars, d’imposer des droits de douane sur les produits agricoles russes importés dans l’Union européenne (UE), qui en sont actuellement exemptés, au grand dam des agriculteurs européens.

Au lendemain d’une salve d’ampleur ayant visé Kiev, l’Ukraine a subi un déluge de feu russe dans la nuit de jeudi à ce vendredi 22 mars, ciblant essentiellement des infrastructures énergétiques dont une des lignes alimentant la centrale de Zaporijia. 90 missiles et 60 drones explosifs ont été lancés contre l’Ukraine, a dénoncé le président Volodymyr Zelensky. Au moins cinq personnes sont mortes et plusieurs autres blessées dans ces frappes qui constituent l’une des attaques les plus massives des derniers mois.

«Il y a eu plus de 60 Shahed (drones kamikazes fournis par l’Iran) et presque 90 missiles de différents types», a énuméré le président ukrainien sur les réseaux sociaux. D’après lui, les attaques ont visé «des centrales électriques, des lignes de haute tension, un barrage hydroélectrique, des résidences et même un trolleybus». 

A Zaporijia, six personnes sont blessées tandis que trois autres sont toujours portées disparues autour du site de la frappe, selon le bilan provisoire des autorités ukrainiennes. «L’ennemi mène actuellement la plus grande attaque contre l’industrie énergétique ukrainienne de ces derniers temps», a réagi sur Facebook le ministre ukrainien de l’Energie, Guerman Galouchtchenko.

 «En raison de bombardements, une des lignes de transmission d’énergie alimentant la centrale nucléaire de Zaporijia a été coupée», a-t-il ajouté. Les missiles et drones ont en effet visé la centrale hydroélectrique de Dnipro, qui alimente en électricité la centrale nucléaire de Zaporijia située plus au sud sur le fleuve.

Dans un message posté sur Telegram, Oleksii Kuleba, le chef adjoint du cabinet du président ukrainien, a précisé ce vendredi matin les conséquences du raid mené par l’armée russe. «700 000 consommateurs sont privés d’électricité» à la suite de ces frappes qui ont touché de nombreuses régions du pays, a-t-il assuré. Avant de détailler : «Nous nous efforçons de rétablir l’électricité et l’eau pour les personnes et les entreprises. La situation est particulièrement difficile sur la rive gauche du fleuve Dniepr.» 

Dans l’oblast de Dnipropetrovsk, à l’est du pays, «plus de 250 000 clients sont concernés» dans l’oblast de Dnipropetrovsk. Autour d’Odessa, ce sont «200 000» clients qui sont concernés. Bien plus au nord, autour de Poltava, le chiffre s’élève à «110 000».

L’opérateur ukrainien EnergoAtom a confirmé qu’après cette coupure, la centrale n’était plus reliée au réseau électrique de l’Ukraine que par une seule ligne, récemment réparée par des techniciens ukrainiens après avoir été elle aussi hors service pendant longtemps en raison d’un autre bombardement. 

«Cette situation est extrêmement dangereuse et menace de déclencher une situation d’urgence, car dans l’éventualité d’une déconnexion de cette dernière ligne de communication avec le réseau électrique national, la centrale nucléaire de Zaporijia sera au bord d’un nouveau black-out», a averti EnergoAtom.

En cas de coupure de cette dernière ligne, les réacteurs de cette centrale, la plus grande d’Europe, ne dépendront plus pour leur refroidissement que des générateurs diesel de secours, a rappelé l’opérateur, qui souligne qu’un accident nucléaire se produira si ces générateurs s’arrêtent à leur tour de fonctionner.

Depuis le début de la guerre, la centrale de Zaporijia a subi huit black-out complets et un black-out partiel ayant entraîné le déclenchement des générateurs diesel auxiliaires, selon EnergoAtom. Selon le gouverneur de Zaporijia, douze missiles russes sont par ailleurs tombés sur la région durant la nuit, détruisant plusieurs maisons et causant un nombre indéterminé de blessés.

Le barrage hydroélectrique de Dnipro touché, des coupures de courant dans plusieurs villes

Des responsables de nombreuses autres régions d’Ukraine ont fait état d’attaques contre des infrastructures énergétiques durant la nuit. Petro Andriouchtchenko, un conseiller du maire ukrainien de la ville de Marioupol sous contrôle russe depuis 2022, a affirmé sur Telegram, photos à l’appui, qu’un missile russe avait touché un trolleybus qui circulait sur le barrage hydroélectrique de Dnipro, tuant les civils qui voyageaient dedans.

Oleksandr Symtchychine, maire de la ville de Khmelnytskyi, dans l’ouest du pays, a pour sa part décrit «une matinée horrible» évoquant des dégâts contre des infrastructures et des immeubles résidentiels. 

«Il y a des victimes parmi les civils», a-t-il écrit sur son compte Telegram. Les autorités régionales de Kharkiv, Soumy, Kryvyï Rig, Ivano-Frankivsk, Vinnytsia et Khmelnytskyi ont également fait état d’attaques contre leurs infrastructures ayant provoqué des pannes de courant. «Le but n’est pas juste d’endommager, mais d’essayer encore, comme l’année dernière, de causer une défaillance à grande échelle du système énergétique du pays», a estimé le ministre de l’Energie.

A Kharkiv, une quinzaine d’explosions ont été entendues dans la matinée de ce vendredi, selon le maire Ihor Terekhov qui a par ailleurs annoncé que certaines pompes à eau de la ville s’étaient arrêtées à cause des attaques.

La région russe de Belgorod de nouveau frappée

De son côté, l’armée ukrainienne a continué de viser la région russe de Belgorod avec des frappes menées durant la nuit. Ce vendredi matin, les autorités russes ont annoncé la mort d’une femme et plusieurs blessés suite à une frappe qui s’est abattue sur cette région frontalière. «Une frappe de nouveau. Malheureusement, une personne est morte», a écrit Viatcheslav Gladkov le gouverneur local sur Telegram, en précisant que la victime était une femme.

Selon de premières informations partagées par Viatcheslav Gladkov, la frappe a endommagé trois établissements médicaux et plusieurs maisons. Le ministère russe de la Défense a assuré ce vendredi matin avoir détruit huit roquettes au-dessus de Belgorod.

Des ogives tirées par le système de lance-roquettes Vampire en provenance de l’Ukraine, selon le Kremlin. Ces derniers temps, la région de Belgorod est visée par de nombreuses attaques de drones et des frappes imputées par la Russie à l’Ukraine. Selon les autorités locales, ces frappes ont fait plus d’une dizaine de morts en une semaine.

Dans la foulée, la Commission européenne a proposé, vendredi 22 mars, d’imposer des droits de douane sur les produits agricoles russes importés dans l’Union européenne (UE), qui en sont actuellement exemptés, au grand dam des agriculteurs européens. « Nous avons vu ces importations augmenter considérablement en 2023. Ces droits de douane prohibitifs les rendront non viables sur le plan commercial », les empêchant de « déstabiliser » le marché européen, a annoncé le commissaire chargé du commerce, Valdis Dombrovskis.

« Cela contribuera également à mettre un terme à la pratique russe consistant à exporter illégalement des céréales ukrainiennes volées vers l’UE (…) et à assécher une source importante de revenus permettant [à Moscou] de financer sa guerre d’agression » contre l’Ukraine, a-t-il souligné dans un communiqué.

Les produits agricoles venant de Biélorussie, proche allié de Moscou, seront aussi visés. En revanche, ces droits de douane élevés ne concerneront pas le transit via l’UE de céréales et autres produits agricoles à destination de pays tiers, par exemple en Afrique ou au Moyen-Orient, afin de « préserver la sécurité alimentaire mondiale », souligne la Commission. Les engrais ne sont pas non plus ciblés.

Si l’Union européenne taxe les produits agricoles russes, « les consommateurs européens souffriront », a, de son côté, dénoncé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, vendredi.

Un droit de 50 %

La Russie a exporté au total 4,2 millions de tonnes de céréales, d’oléagineux et produits dérivés vers l’UE en 2023 (dont 1,5 million de tonnes pour les seules céréales), pour une valeur de 1,3 milliard d’euros. Les volumes sont bien plus limités pour la Biélorussie (610 000 tonnes, valant 246 millions d’euros).

En vertu des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la plupart des produits agricoles russes, particulièrement les céréales, sont jusqu’à présent exemptés de droits de douane dans l’UE, et les rares produits taxés le sont très faiblement.

Dans les différents trains de sanctions adoptées contre Moscou après l’invasion de l’Ukraine en février 2022, les Européens avaient pris soin de ne cibler ni le secteur agricole ni les engrais. Ils redoutaient de déstabiliser les échanges de céréales dans le monde et de fragiliser la sécurité alimentaire de pays d’Asie et d’Afrique, très dépendants de la puissance agricole russe.

« Les nouveaux tarifs sont conçus pour être suffisamment élevés pour décourager les importations actuelles. Selon le produit spécifique, ils passeront soit à 95 euros par tonne, soit à un droit de 50 % » selon les produits, explique l’exécutif européen. En outre, la Russie et la Biélorussie « n’auront plus accès aux quotas céréaliers de l’OMC accordés par l’UE, qui offrent un meilleur traitement tarifaire pour certains produits », ajoute-t-il.

Processus plus rapide

Cette proposition, qui intervient sur fond de mouvement de colère des agriculteurs à travers l’Europe, devra être entérinée par une majorité qualifiée d’Etats membres, soit au moins quinze pays représentant 65 % de la population de l’UE, mais ne nécessitera pas l’aval des eurodéputés. Un processus plus aisé et rapide que l’adoption d’un embargo total, qui nécessiterait l’unanimité des Vingt-Sept.

La situation actuelle indignait Kiev : « Nous constatons que, malheureusement, l’accès de la Russie au marché agricole européen reste illimité », « sans restrictions », a encore déploré jeudi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, l’ors d’une vidéoconférence avec les Vingt-Sept.

« Lorsque des céréales ukrainiennes sont jetées sur les routes [par des agriculteurs polonais mécontents], des produits russes et biélorusses continuent d’être acheminés vers l’Europe (…). C’est injuste », a-t-il dénoncé.

De leur côté, la République tchèque, la Pologne et les trois Etats baltes réclament une interdiction complète des importations de céréales en provenance de Russie et de Biélorussie.

« Nous considérons comme impératif de remplir notre obligation morale de bloquer toute activité pouvant potentiellement renforcer » la Russie, ont déclaré plus tôt cette semaine les ministres de l’agriculture de ces cinq Etats, dans une lettre à la Commission consultée.

Les volumes de céréales russes importés par l’UE restent au moins dix fois inférieurs à ceux importés d’Ukraine, et ne constituent qu’une infime partie de la consommation européenne. Pour autant, les céréaliers européens, notamment en France, s’inquiètent de voir la Russie tirer vers le bas les prix mondiaux et bousculer les équilibres des échanges.

Encouragé par les difficultés de Kiev à livrer ses céréales et oléagineux, Moscou a, en effet, lancé une vaste offensive commerciale en Afrique et au Moyen-Orient, entre autres par le biais de dons très médiatisés. (SGP/2024)

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