30 MAI (ASPAMNEWS)-Le juge de la Haute Cour de justice de la région administrative spéciale de Hong Kong (RASHK) Andrew Chan a déclaré, jeudi 30 mai, 14 militants prodémocratie « coupables de subversion » sur les 47 figures de proue de l’opposition inculpées. Le cas des 33 autres inculpés sera décidé demain vendredi 31 mai.
Ce jeudi, c’est sur le cas des 16 mis en cause qui, parmi les 47, avaient plaidé non coupables que la justice s’est prononcée. Parmi les 14 militants reconnus coupables, on retrouve d’anciens députés, comme «Long Hair» Leung Kwok-hung et Ray Chan, ainsi que l’ancienne journaliste Gwyneth Ho. Le tribunal a en revanche déclaré non coupables deux anciens conseillers de district, Lawrence Lau et Shun Lee, mais le parquet a d’ores et déjà annoncé que le ministère de la Justice ferait appel de cette décision.
Les militants condamnés avaient prévu de saper l’autorité du gouvernement et «selon nous, cela aurait entraîné une crise constitutionnelle pour Hong Kong», ont écrit trois juges de la Haute Cour qui avaient été triés sur le volet.
La plupart des accusés sont derrière les barreaux depuis 2021. Tous ont été inculpés en 2021 de «conspiration en vue de commettre des actes de subversion», des faits passibles de la réclusion à perpétuité, après avoir organisé, un an plus tôt, une primaire officieuse destinée à sélectionner des candidats de l’opposition en vue des législatives.
« Un procès politique »
« Toute cette mise en scène est une farce politique, a réagi Patrick Poon, un militant hongkongais des droits humains exilé à Tokyo quelques heures après ces accusations de subversion. Il s’agit ni plus ni moins qu’un procès politique à la chinoise qui vise à écraser la moindre dissidence démocratique à Hong Kong et à bâillonner la liberté d’expression. »
Aux yeux de la justice, les militants condamnés avaient prévu de saper l’autorité du gouvernement et, « selon nous, cela aurait entraîné une crise constitutionnelle pour Hong Kong », ont écrit trois juges de la Haute Cour, triés sur le volet pour leur profil patriotique et fidèle à Pékin.
Le procès s’est tenu sans jury
Leur objectif était d’obtenir une majorité au sein de l’assemblée partiellement élue de la ville, afin d’opposer notamment leur veto aux budgets et de forcer potentiellement à la démission la dirigeante pro-Pékin de Hong Kong alors en place, Carrie Lam, selon le parquet.
La défense a fait valoir que la loi fondamentale, qui sert de constitution à Hong Kong, prévoyait les mécanismes permettant ce projet, et qu’il s’agissait donc «d’une question purement politique plutôt que d’une question juridique». Le procès s’est tenu sans jury, ce qui constitue une entorse à la tradition judiciaire de Hong Kong.
L’affaire a été suivie de près par la communauté internationale. Des diplomates des consulats français et italien et d’autres de l’Union européenne se sont rendus au tribunal jeudi. Les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux ont émis des critiques à l’encontre de Pékin, estimant qu’il réduisait les libertés promises lors de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine en 1997.
L’Union européenne «profondément préoccupée»
Aux yeux de nombreux analystes, ce procès représentait un test majeur pour l’indépendance de Hongkong face à Pékin. En janvier 2021, l’arrestation des principaux accusés, dont le juriste Benny Tai ou encore l’ex-députée pro-démocratie Claudia Mo – qui ont tous les deux décidé de plaider coupables –, avait conduit les Etats-Unis à imposer des sanctions à six responsables chinois et hongkongais.
En mai, le consul général des Etats-Unis à Hongkong, Gregory May, avait assuré que Washington allait «suivre de près les verdicts attendus et leurs condamnations».
De son côté, l’Union européenne a réagi au verdict ce jeudi, se disant «profondément préoccupée», et dénonçant «une nouvelle détérioration des libertés fondamentales» dans le territoire chinois.
«Les accusés […] sont pénalisés pour leurs activités politiques pacifiques qui devraient être légitimes dans tout système politique respectant les principes démocratiques fondamentaux», a fustigé une porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE. Avant d’ajouter que leur détention provisoire prolongée et le refus de libération sous caution «sapent la confiance dans l’État de droit» à Hongkong.
Des arrestations massives
Sur le territoire, la répression de l’opposition se poursuit. Ces derniers jours, la police de Hongkong a annoncé l’arrestation de sept autres personnes pour avoir publié sur Facebook des «messages à caractère séditieux». Ces arrestations massives sont en lien avec la nouvelle loi sur la sécurité nationale, entrée en vigueur en mars.
Le texte – qui inquiète notamment les Etats-Unis et l’Union européenne – prévoit des peines de prison pouvant aller jusqu’à la perpétuité pour cinq catégories de crimes, dont la trahison, l’insurrection, l’espionnage, le sabotage et l’ingérence extérieure.
Et ce n’est pas tout. La nouvelle loi supprime aussi les possibilités de réduction de peine d’un tiers pour bonne conduite pour les personnes condamnées au titre de la sécurité nationale, portant un coup aux 31 accusés qui ont choisi de plaider coupable avec l’espoir d’une libération anticipée.
Face aux critiques, Pékin n’a pas tardé à réagir, exhortant ce jeudi les détracteurs internationaux de cette loi à «cesser immédiatement de s’ingérer dans les affaires de Hong Kong et dans les affaires intérieures de la Chine».
«J’espère que tout le monde continuera à se préoccuper de nos autres amis dans cette affaire», a pour sa part déclaré aux journalistes Lawrence Lau à sa sortie du tribunal, l’un des deux accusés reconnus non coupables ce jeudi.
A l’extérieur du tribunal, la Ligue des sociaux-démocrates (LSD), l’une des dernières voix de l’opposition à Hong Kong, a tenté d’organiser une petite manifestation, en vain. Selon le militant Figo Chan, la présidente de la LSD, qui est aussi l’épouse de «Long Hair» Leung Kwok-hung, et trois autres personnes «ont été arrêtées alors qu’ils protestaient». (DPH/2024)