AFRIQUE DU SUD-ELECTIONS: revers historique pour l’ANC confronté à un score historiquement bas

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PRETORIA, 3 JUIN (ASPAMNEWS)- Le parti de Nelson Mandela à la tête de l‘Afrique du Sud depuis trente ans, a obtenu 40 % des voix aux élections générales le 29 mai dernier et perd du coup, pour la première fois, la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Pour la première fois depuis la fin de l’apartheid, l’ANC devra former une coalition à l’Assemblée nationale pour conserver le pouvoir. Un exercice inédit, qui place la démocratie sud-africaine sur une corde raide, alors que l’on observe une montée des populismes dans le pays.

D’ici à l’élection du président par l’Assemblée nationale, qui doit avoir lieu au plus tard dans quatorze jours, le parti devra rapidement panser ses plaies. Car, si son déclin dans les urnes était attendu, peu de gens avaient anticipé une dégringolade aussi dure.

La vie politique sud-africaine vient d’entrer dans une nouvelle ère. Les résultats des élections générales du 29 mai, proclamés officiellement dimanche 2 juin, entérinent la fin de la domination sans partage du Congrès national africain (ANC).

Plombé par la criminalité qui sévit dans le pays, le chômage massif et la déliquescence des infrastructures, notamment les coupures de courant qui empoisonnent la vie des habitants depuis deux ans, le parti a recueilli à peine 40,2 % des voix, soit 159 sièges sur 400, contre 230 en 2019.

Malgré cette défaite, l’ANC reste largement le premier parti du pays, loin devant la plus grande formation d’opposition, l’Alliance démocratique (DA) qui recueille 21,79 % des suffrages exprimés. D’élection en élection, l’ANC n’a pas jugulé la pauvreté ni les inégalités qui minent le pays.

Selon la Banque mondiale, le pays est même le plus inégalitaire au monde. Et la criminalité ne cesse de battre des records. Symbole de cet échec, les coupures répétées d’eau et d’électricité qui affectent quotidiennement la vie des Sud-Africains. À ce tableau peu reluisant s’ajoutent les scandales répétés impliquant des hauts dirigeants du parti de Nelson Mandela, en particulier dans le domaine de la corruption.

Un facteur générationnel vient également expliquer ce recul de l’ANC. « Beaucoup de jeunes en âge de voter n’ont pas cohabité avec l’apartheid ou la période qui lui a immédiatement succédé. Le critère d’évaluation d’un gouvernement par cette catégorie d’électeurs est libéré de toute dette envers les mouvements de libération. Ils jugent les institutions étatiques en fonction de leurs résultats en matière de santé, d’emploi, de développement économique et de probité dans la conduite des affaires publiques », observe le laboratoire d’idées Policy Center for the New South (PCNS).

Nécessité de partager le pouvoir

L’ANC, enfin, a été significativement affaibli par la présence du parti Mkhonto we Sizwe (MK), fondé par l’ancien président Jacob Zuma et des transfuges du parti présidentiel, quelques mois avant le scrutin. Obtenant 14,61 % des suffrages exprimés, le MK a attiré à lui les sympathisants du président Zuma mécontents de l’éviction de leur leader en 2019.

Ancré à gauche, jouant sur le ressentiment, le populisme, le communautarisme, le MK a réalisé une percée lors de cette élection, faisant de lui la troisième force politique du pays. Un autre parti dissident de l’ANC, les Combattants pour la liberté économique (EFF), a quant à lui obtenu 9,48 % des voix. Positionné à l’extrême gauche, l’EFF reprochait à l’ANC d’être trop conciliant avec les Blancs.

Ce résultat contraint le parti présidentiel à s’associer avec d’autres partis pour gouverner, ce qui n’est pas sans lui poser des problèmes. Il peut former une coalition sur sa droite, avec le DA, mais il risque alors de déplaire à une partie de sa base qui ne comprendrait pas cette alliance avec un parti économiquement libéral et associé aux « Blancs ».

Ou bien il peut tendre la main au MK et à l’EFF, au risque de fragiliser encore plus la cohésion sociale en raison de leur positionnement trop à gauche, et d’inquiéter les marchés financiers, aggravant la crise économique. Quoi qu’il en soit, le résultat de ces élections législatives va forcer l’ANC et l’Afrique du Sud à modifier leur mode de gouvernance, en les obligeant à entrer dans l’ère des coalitions politiques.

« Résultat sensationnel » du parti de Jacob Zuma

L’élection a consacré la poussée inattendue du parti de l’ancien président Jacob Zuma, Umkhonto we Sizwe (MK, « le fer lance de la nation »). Accusé de corruption et poussé à démissionner de la présidence par ses camarades de l’ANC sur fonds de multiples scandales en 2018, Jacob Zuma, 82 ans, s’est lancé dans la course électorale à la surprise générale, en décembre 2023, en jurant de prendre sa revanche sur « l’ANC de Ramaphosa », son successeur à la tête du parti à qui il voue une haine viscérale.

C’est chose faite. Si l’ancien dirigeant a été interdit d’être candidat à un poste de député en raison d’une condamnation pour outrage à magistrat, son parti devient la troisième force politique du pays avec 14,5 % des voix.

Dans son fief, la province-clé du Kwazulu-Natal, le MK se place même en première position avec 45 % des suffrages, reléguant l’ANC à la troisième place. Impensable il y a quelques mois. Fort de ce résultat, le parti de Jacob Zuma a décidé de bouder la proclamation des résultats officiels.

L’ANC, la fin de trente ans de domination électorale

1994 : l’ANC obtient 62,65 % des voix aux premières élections démocratiques de l’Afrique du Sud.

1999 : le parti gagne avec 66,35 % des voix. Thabo Mbeki succède à Nelson Mandela.

2004 : avec 69,69 % des voix, Thabo Mbeki obtient un second mandat.

2009 : l’ANC obtient 65,90 % des voix, Jacob Zuma est élu président.

2014 : le parti remporte l’élection avec 62,5 %. Jacob Zuma est réélu malgré les scandales qui ont entaché son premier mandat.

2019 : nouvelle victoire de l’ANC avec 57,20 % des voix, son plus bas résultat depuis 1994. Cyril Ramaphosa succède à Jacob Zuma et s’engage à relancer l’économie et à lutter contre la corruption. (AHP/2024)

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