HARARE, 23 AOÛT (ASPAMNEWS)– Un nouveau duel d’héritiers. Le président sortant, Emmerson Mnangagwa, fut le compagnon de lutte puis le fidèle exécutreur des basses oeuvres de Robert Mugabe, avant de se retourner brusquement contre son vieux mentor en 2017. Face à lui, Nelson Chamisa, 45 ans, est considéré comme le successeur de l’opposant historique Morgan Tsvangirai, emporté par le cancer en février 2018.
Cette année-là, Mnangagwa et Chamisa s’étaient déjà mesurés lors d’une élection présidentielle : le patron de la Zanu-PF, le parti tout puissant qui gère le pays depuis l’indépendance du Zimbabwe, en 1980, s’était imposé dès le premier tour en raflant, selon les chiffres officiels, 51,4 % des suffrages.
Mercredi, les deux hommes s’affrontent donc pour le match retour. Parmi les onze candidats en lice à l’élection présidentielle, ils sont les seuls à pouvoir sérieusement prétendre à la victoire. Avec un avantage indéniable pour
Soutenu par l’armée et le Zanu-PF, parti au pouvoir depuis l’indépendance de 1980, le président sortant Emmerson Mnangagwa avait acculé le despotRobert Mugabe à la démission, après 37 ans d’un pouvoir sans partage. Surnommé « le crocodile » pour sa patience et sa férocité pendant la guerre de libération de Rhodésie du sud (1972-1979), cet octogénaire exerce le pouvoir avec la même brutalité que son prédécesseur.
Une violence qui lui a permis de museler l’opposition tout le long de son premier mandat. Et d’asseoir le pouvoir du Zanu-PF sur les institutions et l’ensemble de la société. Ainsi, dès sa première élection en 2018, il fait tirer à balles réelles sur l’opposition, tuant une douzaine de personnes. En 2019, il fait taire la fronde sociale contre la hausse des prix des carburants.
Une répression qui a pris un tournant législatif lorsque, le 14 juillet dernier, le « crocodile » a fait adopter une loi criminalisant tout citoyen ou ressortissant du pays pris en flagrant délit d’« atteinte délibérée à la souveraineté et à l’intérêt national ».
Face à une telle violence et une telle détermination, la perspective d’une alternance politique est peu crédible. D’autant, analyse Piers Pigou, responsable du programme Afrique australe à l’Institut d’études de sécurité en Afrique du Sud, que même si Emmerson Mnangagwa devait perdre l’élection, « les forces de sécurité et les services de renseignement agiront de telle sorte que le pouvoir n’échappera pas au Zanu-PF ».
Pasteur et avocat, désormais leader de son propre parti, la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), ce « jeune homme » de 45 ans avait perdu de 300 000 voix l’élection de 2018. S’il prêche la relance économique, Nelson Chamisa promet surtout de mettre fin à la corruption, alors que son pays est classé 157eme sur 180 pays par l’ONG Transparency International.
Sa campagne a été muselée par le pouvoir. Plusieurs meetings du CCC ont été interdits, des sympathisants arrêtés (25 en janvier, 39 en juin) puis jetés en prison, comme des figures du parti, à l’instar du député Job Sikhala, détenu depuis un an. Un rapport de Human Rights Watch, paru début août, dénonce l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir à des fins politiques et électorales.
Son économie, déjà mise à terre par la réforme agraire des années 2000, est laminée par la contrebande de ses minerais, un taux de chômage de 90 %, une hyperinflation de 175 % de ses prix à la consommation en juin dernier, et un dollar zimbabwéen affaibli face au dollar américain (il a plongé de 85 % en mai). À cela s’ajoutent les sanctions occidentales dont le Zimbabwe est la cible depuis plusieurs années en raison de multiples violations des droits de l’homme.
Seules la Chine – allié historique, premier investisseur du pays avec plus d’un milliard d’euros d’échanges – et la Russie lui apportent un soutien actif. Présent au sommet Russie-Afrique fin juillet, son président Emmerson Mnangagwa avait réitéré sa volonté de rejoindre les Brics. (SPM/2023)