GAZA/JUSTICE: Israël invité à empêcher tout acte de « génocide »

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26 JANVIER (ASPAMNEWS)-La Cour internationale de justice (CIJ) a demandé vendredi 26 janvier à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour protéger la population de Gaza des risques de génocide. L’instance onusienne n’a pas ordonné un cessez-le-feu mais réclame le respect du droit international humanitaire et l’accès à l’aide humanitaire.

La plus haute juridiction de l’ONU a appelé vendredi Israël à empêcher tout acte éventuel de « génocide » à Gaza, une accusation « scandaleuse » pour Israël, en guerre avec le mouvement islamiste du Hamas dans ce territoire palestinien où l’inquiétude grandit sur le sort des civils.

Protesters hold a Palestinian flag as they gather outside the International Court of Justice (ICJ) as judges rule on emergency measures against Israel following accusations by South Africa that the Israeli military operation in Gaza is a state-led genocide, in The Hague, Netherlands, January 26, 2024. REUTERS/Piroschka van de Wouw

La Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, n’a cependant pas appelé à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, où l’armée israélienne mène une offensive militaire en riposte à l’attaque sans précédent menée contre Israël le 7 octobre par le Hamas.

Israël, qui contrôle l’entrée de l’aide internationale dans le territoire assiégé, doit prendre « des mesures immédiates » pour permettre la fourniture « de l’aide humanitaire dont les Palestiniens ont un besoin urgent », a déclaré la CIJ, qui n’a néanmoins aucun levier pour imposer ses décisions.

Sur quoi la CIJ se prononçait-elle ?

La Cour internationale de justice (CIJ) se prononçait vendredi 26 janvier sur une requête déposée le 29 décembre 2023 par l’Afrique du Sud, qui accuse Israël de violer la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, signée en 1948 à la suite de la Shoah. Les deux parties avaient présenté leurs arguments les 11 et 12 janvier.

Dans sa requête de 84 pages, Pretoria avait demandé à la cour onusienne d’imposer neuf ordonnances à l’État hébreu, visant notamment à suspendre ses opérations militaires, empêcher le déplacement forcé des populations, faciliter l’aide humanitaire et à « prendre toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour prévenir un génocide ».

Les 17 juges de la Cour, dont un migrant nommé par Israël, devaient déterminer s’il existait « un risque plausible » qu’un génocide ait lieu ou soit en cours, pour ordonner des mesures conservatoires, autrement dit d’urgence, afin de prévenir ce risque.

Cette étape préliminaire passée, la cour, qui siège à La Haye, va désormais passer à l’examen de fond de l’accusation de génocide portée par l’Afrique du Sud. Plusieurs mois, voire années, peuvent s’écouler avant qu’elle ne rende son avis définitif.

► Qu’a décidé la CIJ ?

La CIJ a ordonné à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher « tout acte entrant dans le champ d’application » de la Convention sur le génocide et pour poursuivre les auteurs d’incitation au génocide. Pour ce faire, la plus haute juridiction onusienne a ordonné à Israël de soumettre un rapport sous un mois et de « préserver les preuves ».

Mais la Cour n’a pas ordonné de cessez-le-feu, se contentant de demander à toutes les parties – sous-entendu Israël et le Hamas – de respecter le droit international humanitaire. Elle a néanmoins demandé à l’État hébreu de prendre « des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire dont les Palestiniens ont un besoin urgent pour faire face aux conditions de vie défavorables auxquelles sont confrontés les Palestiniens ».

Au cours des 45 minutes de la lecture du verdict, la présidente de la CIJ, Joan Donoghue, a expliqué que la population palestinienne de Gaza constituait un groupe protégé au titre de la Convention de 1948 et que la Cour était compétente pour examiner la requête de l’Afrique du Sud.

Dans son argumentaire, la magistrate américaine a énuméré les souffrances subies par la population gazaouie, en citant notamment le nombre de morts, de déplacés, le risque de famine…

Elle a notamment égrainé les signaux d’alarme lancés par les agences onusiennes sur la situation humanitaire catastrophique dans l’enclave palestinienne, ainsi que des propos de hauts responsables israéliens jugés déshumanisants pour les Gazaouis.

► Quelles conséquences pour Israël et sur la poursuite de la guerre ?

Il n’y a pas d’appel possible et les ordonnances de la CIJ sont juridiquement contraignantes mais la cour n’a pas les moyens de les faire appliquer. Israël le sait. Son premier ministre Benyamin Netanyahou avait prévenu que l’État hébreu ne se soumettrait pas nécessairement à l’ordonnance de la Cour. « Personne ne nous arrêtera, ni La Haye, ni l’Axe du Mal, ni personne d’autre », avait-il déclaré. « Israël continuera à se défendre contre le Hamas, une organisation terroriste génocidaire », a-t-il réagi vendredi.

Ce verdict met l’État hébreu et ses alliés sous pression. Reste à voir s’il se traduira par un durcissement de ton à l’égard d’Israël, notamment au Conseil de sécurité. L’Afrique du Sud y voit une « victoire décisive pour l’État de droit international et une étape importante dans la quête de justice pour le peuple palestinien », tout comme plusieurs organisations de défense des droits de l’homme. Human Rights Watch a ainsi évoqué une « décision historique » qui « fait comprendre à Israël et à ses alliés qu’une action immédiate est nécessaire pour empêcher un génocide et d’autres atrocités contre les Palestiniens de Gaza ».

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a jugé « scandaleuses » les accusations. La guerre a plongé le petit territoire dans un désastre humanitaire, provoquant d’immenses destructions et poussant 1,7 million de Palestiniens à fuir.

Des combats acharnés se déroulent dans le sud, où des milliers de civils ont fui ces derniers jours Khan Younès. Non loin, à Rafah, des dizaines de milliers de déplacés s’entassent dans des conditions désespérées dans un périmètre très réduit contre la frontière fermée avec l’Egypte, selon un journaliste.

L’Afrique du Sud avait saisi la CIJ, arguant qu’Israël violait la Convention des Nations unies sur le génocide, établie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste. Sans se prononcer sur la question de savoir si Israël commet ou non un génocide, la Cour appelle Israël à tout faire pour « empêcher la commission de tous actes entrant dans le champ d’application » de la Convention.

« Avertissement » 

L’UE a demandé la mise en oeuvre « immédiate » de cette décision, saluée par plusieurs pays dont la Turquie, l’Iran et l’Espagne. Pour l’Autorité palestinienne, il s’agit d’ »un avertissement important qu’aucun Etat n’est au-dessus de la loi ».

Suite à des accusations d’Israël portant sur l’implication d’employés de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) dans l’attaque du 7 octobre, celle-ci a indiqué avoir limogé « plusieurs membres du personnel » et ouvert une enquête. Dans la foulée, Washington a annoncé avoir « suspendu » son financement de l’Unrwa.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a elle rejeté les accusations de « collusion » avec le Hamas proférées par Israël, se disant « impartiale ». L’attaque du Hamas a entraîné la mort de plus de 1.140 personnes en Israël, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

Quelque 250 personnes ont été enlevées lors de cette attaque et emmenées à Gaza, dont une centaine libérées fin novembre durant une trêve en échange de prisonniers palestiniens. En riposte, Israël a juré « d’anéantir » le Hamas, classé organisation terroriste par les Etats-Unis, l’Union européenne et Israël notamment, et lancé une vaste opération militaire qui a fait 26.083 morts, en grande majorité des femmes, enfants et adolescents, selon le ministère de la Santé du mouvement.

Peu après la décision de la CIJ, le Hamas a diffusé une vidéo dans laquelle apparaissent trois otages israéliennes, dont deux se présentent comme militaires. Les trois ont été formellement identifiées par l’AFP, sur la base de sources officielles ou communautaires, comme étant retenues en otage depuis l’attaque du Hamas.

« Attaques odieuses »

Selon le Hamas, 183 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures à Gaza, tandis que des combats intenses font rage à proximité de l’hôpital Nasser de Khan Younès. Le Croissant rouge palestinien a annoncé que des tirs de chars ont visé les abords de l’hôpital Al-Amal assiégé, dans cette même ville.

« L’occupation israélienne paralyse délibérément les hôpitaux Nasser et Al-Amal, en imposant un siège, en les prenant pour cible et en empêchant le passage des ambulances », a accusé le Hamas. L’armée israélienne affirme avoir « encerclé » Khan Younès, ville natale de Yahya Sinouar, le chef du Hamas dans la bande de Gaza, considéré comme l’architecte de l’attaque du 7 octobre.

Mercredi, des tirs de chars contre un refuge de l’Unrwa ont fait 13 morts, selon cette agence. Après les Etats-Unis, la France a « condamné » ces tirs. « Nous avons essayé de sortir, mais quand j’ai regardé dehors, j’ai vu les chars d’assaut tirer. Comment pouvions-nous sortir ? », a témoigné à l’AFP sur son lit d’hôpital Ahmad Katra, un Palestinien blessé par ces tirs.

« Ils disaient que c’était un endroit sûr, mais en fin de compte, ils nous ont frappés dans un établissement de l’ONU », a-t-il ajouté. Selon les Nations unies, l’armée israélienne a ordonné l’évacuation du refuge avant vendredi 17h00 (15h00 GMT), ce que l’armée a démenti.

Parallèlement, le Qatar, l’Egypte et les Etats-Unis tentent une médiation en vue d’une nouvelle trêve, incluant la libération d’otages et de prisonniers palestiniens. Selon le quotidien américain Washington Post et le site d’information Axios, le chef de la CIA William Burns se rendra en Europe pour y rencontrer ses homologues israélien, égyptien et le Premier ministre du Qatar dans l’espoir de négocier un accord. (SHP/2024)

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