RDC/PRÉSIDENTIELLE: long vote émaillé de graves irrégularités=résultats douteux et violences

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KINSHASA, 22 DÉCEMBRE (ASPAMNEWS)-Prévu pour se dérouler sur la journée du mercredi 20 décembre, le vote pour la présidentielle, les législatives, les provinciales et les communales a tiré en longueur, au mépris des dispositions électorales. En effet, les opérations de vote n’ont pas eu lieu dans certaines localités de la région de Beni et Lubero (Nord-Kivu) faute de dispositifs électroniques de vote. Et, la MOE -Mission d’Observation Electorale-CENCO-ECC a révélé plusieurs irrégularités et incidents lors des élections déroulées le mercredi 20 décembre 2023.

Dans un communiqué lu par l’abbé Donatien Nshole, 123 rapports de la MOE CENCO-ECC prouvent qu’il y a eu vote avant l’ouverture des bureaux. Plus grave, à Béni, certains électeurs n’ont pas retrouvé leurs noms sur les listes. Des cas des machines qui ne fonctionnent pas ont été rapportés dans quelques bureaux de vote.

 » Nous avons par exemple le cas de Bewu, Manwama, les machines sont allées vers 11 heures. Les activités vont commencer quand ? Elles vont terminer quand ?. Mercredi après-midi, les matériels n’ont pas atteint certains groupements, notamment sur la côte ouest du lac Edouard dans le territoire de Lubero. », déclaré un électeur en colère.

La République démocratique du Congo vit, sans aucun doute, ces pires élections de son histoire. Même les partisans de Joseph Kabila, qui ont boycotté le processus, ont joint leurs voix aux candidats de l’opposition pour dénoncer ce chaos qui a été servi aux Congolais en guise d’élections.

Des images insupportables d’une vidéo virale sur la toile montrent même une femme à moitié nue, subissant la bastonnade sauvage d’une foule qui lui reproche d’avoir voté pour un candidat, Moïse Katumbi, pour ne pas le nommer. L’horreur était à son comble durant un mois de campagne électorale et ce le jour des élections. Comme si les élections c’était la guerre!

Tout était réuni pour jeter le discrédit sur ces élections dont les résultats seront, sauf miracle, rejetés par une opposition qui aura servi, inconsciemment peut-être, de caution morale à une réélection en téléchargement du président sortant, Felix Tshisekedi, candidat à sa propre succession.

Des prolongations hors-la-loi du vote, selon les opposants et des mouvements de la société civile, causés par, entre autres, des retards d’ouverture de bureaux de vote, des saccages d’urnes, des pannes de machines à voter, des frustrations de déplacés internes se retrouvant dans l’impossibilité de voter. Une situation de chaos, dénoncée par l’opposition, notamment Ensemble pour la République dont le candidat dans la course à la présidentielle n’est autre que Moïse Katumbi.

Tout comme Martin Fayulu, l’autre opposant en vue, Denis Mukwege, qui lorgne également le fauteuil présidentiel, se place dans la même logique et s’indigne de la décision de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de prolonger le vote, craignant du coup que les résultats de ce processus «chaotique» ne soient pas l’expression réelle du vote des électeurs. La seule femme des 19 candidats au scrutin présidentiel, Marie-Josée Ifoku, manifestant un sentiment de déception, est persuadée que la Céni n’était pas prête pour tenir ces élections.

Certes, la date de ce scrutin aux enjeux multiples, était connue depuis bien longtemps et la musique devait être sans fausse note. Ce qui est loin d’être le cas pour l’instant. Mais pourquoi donc tenir ces élections au forceps?

Le report d’élections en RD Congo ne serait pas une nouveauté pour des Congolais, habitués à cette situation sous le mandat élastique à souhait de l’ancien président Joseph Kabila. Face aux divers défis, dont celui très exigeant de la logistique, la Céni aurait pu repousser, de quelques jours, voire de quelques semaines ou mois, ce vote qui a été précédé d’une campagne endeuillée et au cours de laquelle tous les coups étaient permis!

Nul n’ignore, surtout pas la Céni, les difficultés de transport du matériel électoral sur cette vaste étendue de 2,3 millions de Km2. Mais, c’est cette même Céni qui, comme prise au piège du temps, s’est mise à lancer des SOS à la veille des élections.

Si l’armée nationale, l’Egypte, le voisin de la République du Congo et la Monusco ont répondu favorablement à ces appels de détresse de la Céni, la RD Congo n’a pu tenir le pari d’organiser des élections sans ces couacs auxquels il fallait s’attendre.

Avec cette mascarade électorale, Kadima a confirmé la thèse du complot, de la tricherie et de la fraude que l’opposition redoutait. Les élections, qu’il a prétendues transparentes, ont été chaotiques. De quatre coins du pays, les Congolais sont unanimes : il s’agit d’une parodie d’élections. Jamais, un processus électoral n’a été si médiocre que celui piloté par Denis Kadima.

Pourtant, un milliard de dollars ont été engloutis pour des élections qui ne refléteront jamais la vérité des urnes. La crainte de la société civile et de l’opposition sur un processus électoral en lambeaux est justifiée. Des dysfonctionnements terribles, des machines à voter en panne, des chargeurs lowbatt, des câbles d’alimentation qui manquent, des générateurs qui ne fonctionnent pas, l’absence des listes électorales, l’omission de nombreux électeurs sur les listes électorales, des listes électorales truquées et incomplètes dans la plupart des bureaux de vote, la lenteur des agents électoraux qui n’ont pas été convenablement formés, des candidats soupçonnés de détenir illégalement des bulletins ou des machines à voter copieusement passés à tabac, des agents électoraux complices de la fraude pourchassés par la population… une véritable catastrophe.

À ces graves manquements, il faut ajouter l’interdiction faite aux témoins des partis politiques de l’opposition et aux observateurs d’entrer dans certains centres et bureaux de vote, même lorsqu’ils sont en règle avec la loi, l’absence du personnel électoral suffisant dans plusieurs centres de vote, le remplacement brusque des agents CENI par des personnes sans qualité dans certains centres, bref l’allant Kadima a accompli sa sale besogne.

Conséquence, certains bureaux de vote ont été saccagés et incendiés. Il a planifié le chaos, rappelle Fayulu. “Personne ne s’explique sur son entêtement à vouloir organiser à tout prix des élections alors qu’il savait que son institution n’était pas prête”, ajoute un prélat catholique. Aujourd’hui, le pays se trouve au bord de l’implosion suite à l’inconscience des membres de la CENI.

 La clameur publique 

Nombreux sont ceux qui pensent que la CENI a tout fait pour bâcler les scrutins. Pas surprenant que des ultracrépidaires se soient improvisés deux jours avant le vote pour accuser les autres de tricher. Ils étaient parfaitement au courant de ce simulacre d’élections et que la CENI ne pouvait jamais tenir ses engagements.

Des candidats crient au scandale et exigent des poursuites judiciaires contre Denis Kadima pour haute trahison. Dans les rangs de la société civile, Kadima est également désigné comme le principal coupable. Le seul qui a bouché ses oreilles parce que missionné pour offrir aux Congolais les dirigeants qu’ils n’auront pas votés, hurle un acteur de la société civile. Et d’ajouter que “nul ne peut croire aux résultats tronqués de la CENI de lorsque la majeure partie de bureaux n’ont pas ouvert”.

Des missions d’observation ont souligné plusieurs irrégularités dans leurs rapports. La Symocel parle de 7 % des personnes qui n’ont pas voté le premier jour avant la publication de son rapport, ce qui est énorme dans un vote.

Les Églises catholique et protestante alertaient déjà dès les premières heures que 35 % des bureaux de vote n’étaient pas opérationnels. Dans son rapport de monitoring, la CASE renseigne que seuls 11 % des bureaux de vote ont été ouverts dans quelques villes et provinces dont Kinshasa, Lubumbashi et le Kasaï oriental ; 37 % des bureaux de vote avaient manqué du matériel électoral pouvant permettre leur fonctionnement normal; 23 % des bureaux de vote n’ont pas ouvert (jusqu’à 11 h et 29 % accusaient) un déficit en personnel électoral et équipements de votation.

 Vote prolongé en violation de la loi électorale et de la Constitution 

Sans froid aux yeux, Denis Kadima s’est permis de décréter la prolongation du vote en violation de la loi électorale et de la Constitution. “Les élections générales vont continuer jeudi pour les bureaux de vote qui n’ont pu ouvrir mercredi, a annoncé mercredi dans la soirée à la télévision publique”, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). « Les bureaux qui n’ont pas du tout ouvert vont le faire jeudi », a confirmé M. Kadima, sans préciser le nombre de bureaux concernés.

La CENI avait auparavant annoncé que les bureaux ayant ouvert avec retard fonctionneraient « durant 11 heures, comme le prévoit la loi, pour permettre à chaque électeur de voter ». Pour le prix Nobel, Denis Mukwege, Kadima prend un virage dangereux.

“Il n’est pas au-dessus de la loi pour se permettre un tel privilège”, a-t-il expliqué. Déjà que le radical Fayulu avait prévenu qu’il rejetait tout vote ayant lieu en dehors du jour prévu dans le calendrier électoral. Dans une déclaration commune mercredi soir, quelques candidats présidents de la République ont rappelé à la CENI qu’il n’existe aucune dérogation possible au jour du vote. La dérogation ne concerne que “les heures d’ouverture et de fermeture”.

Les résultats douteux 

Des voix s’élèvent au sein de la société civile pour accuser la centrale électorale d’avoir mis les Congolais devant un fait accompli. La CASE note par exemple que la Centrale électorale n’était ni préparée ni en capacité d’organiser les élections et demande au procureur général près la Cour de cassation de procéder à l’arrestation de tout le personnel politique et technique de la CENI pour haute trahison.

“La ténacité de Kadima à organiser des élections bâclées trahit le schéma de la Centrale électorale à proclamer un vainqueur qui a été préalablement fabriqué dans les laboratoires”, peste un observateur électoral troublé par le désordre voulu par l’organisateur.

Au regard de cette flopée de ratés, aucun candidat n’est prêt à accepter les résultats. Déjà que Moïse Katumbi, le principal challenger de Tshisekedi, a prévenu qu’il n’acceptera que les résultats affichés devant les bureaux de vote. Or, la plupart n’ont pas malheureusement fonctionné. Ce qui laisse planer le doute sur la transparence des scrutins.

 Cinq candidats appellent à l’annulation des élections 

À la tombée de la nuit après une journée marquée par la confusion, cinq candidats à la présidentielle, à savoir Martin Fayulu, Denis Mukwege, Théodore Ngoyi, Floribert Anzuluni et Nkema Lilo ont appelé le peuple congolais, la CENI, le gouvernement, la SADC, l’Union africaine et la communauté internationale “à constater qu’au matin du jeudi 21 décembre 2023, les élections générales prévues au 20 décembre 2023 n’auront pas eu lieu comme le prévoient la Constitution et la loi électorale”.

Ils ont exigé l’annulation du vote, la mise à l’écart du bureau Kadima et la réorganisation rapide des nouvelles élections avec une équipe de la CENI autrement composée. Agir autrement, ont-ils averti, serait consacré une prise de pouvoir par la force et son exercice en violation de la Constitution, ce que le peuple congolais sur base de l’article 64 sera appelé à y faire échec.

En tout cas, la Céni, seule structure habilité à publier des chiffres du vote a promis les premières tendances des ces élections. Une précipitation qui peut paraître bien suspecte pour des élections aussi laborieuses dans leur organisation.

A moins que le désordre n’ait été quelque chose de bien organisée pour atteindre un but bien précis, facile à deviner. Mais qu’attendre de ces élections qui ont joué des prolongations, comme dans un match de football à l’issue indécise, et émaillées de doutes et inquiétudes quant à la proclamation des résultats? (GTF/2023)

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