DAKAR, 5 JANVIER (ASPAMNEWS)– La Cour suprême a confirmé jeudi juste avant minuit la condamnation de l’opposant emprisonné Ousmane Sonko à six mois de prison avec sursis pour diffamation, une peine largement perçue comme le rendant inéligible pour la présidentielle du 25 février.
« On a confirmé la peine et les dommages et intérêts. Sonko a perdu sur toute la ligne. Il est maintenant totalement interdit de participer à une élection », a réagi après la décision l’avocat de l’Etat, El Hadji Diouf.
Les avocats de M. Sonko ont esquivé la question concernant l’éligibilité de leur client. Le Conseil constitutionnel devrait trancher la question prochainement.
Du coup, le leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), parti dissous par le gouvernement qui perd ses droits civiques devra dire adieu à la présidentielle du 25 février 2024 pour laquelle il s’était aligné et se voyait déjà vainqueur. Surtout que le président sortant, Macky Sall n’y prend pas part, la Constitution qu’il a décidé de respecter ne lui accordant que deux mandats.
Malgré sa condamnation par contumace à deux ans de prison pour «corruption de la jeunesse» dans l’affaire Adji Sarr du nom d’une ex-employée de salon de massage de Dakar, le maire de Ziguinchor, en Casamance, a pu garder intactes ses chances de continuer sa course vers le fauteuil présidentiel. Son séjour actuel en prison, depuis fin juillet pour d’autres griefs d’inculpation, notamment l’appel à l’insurrection, l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et l’atteinte à la sûreté de l’État, n’a pas, non plus, empêché Ousmane Sonko de demeurer un candidat sérieux pour la prochaine élection présidentielle pour laquelle.
Après plus de douze heures de débats, la Cour suprême a confirmé la peine donnée en appel de six mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts, ce qui compromet fortement les chances de l’opposant de participer au scrutin présidentiel.
Le camp de Sonko avait retrouvé l’espoir en une candidature de leur chef de file après qu’un juge a ordonné mi-décembre sa réinscription sur les listes électorales, confirmant une décision rendue en octobre par le tribunal de Ziguinchor qui avait été cassée par la Cour suprême. Il a été investi dimanche par sa coalition pour la présidentielle dans un lieu privé, à huis clos, après l’interdiction par les autorités du meeting public prévu samedi.
Malgré le refus de l’administration de délivrer à M. Sonko les documents nécessaires, l’opposant a fait déposer son dossier de candidature au Conseil constitutionnel. Son mandataire doit passer vendredi devant la commission de contrôle des parrainages de la juridiction.
Mercredi, cet organe a validé le dossier d’Habib Sy, un candidat du même bord politique que M. Sonko, qui a promis de se désister si le leader de sa formation peut se présenter. Un autre plan B de sa formation dont le dossier a été examiné jeudi, Bassirou Diomaye Faye, doit régulariser sa situation concernant ses parrainages pour participer au scrutin.
Il a même réussi à déposer son dossier qui se trouve actuellement sur la table du Conseil constitutionnel et attendait validation. Mais le coup fatal a été porté à Ousmane Sonko par cette confirmation de la Cour suprême de sa condamnation dans l’affaire de diffamation qui l’oppose au ministre sénégalais du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Six mois avec sursis! Un verdict qui est loin d’être le plus lourd dans l’histoire judiciaire du Sénégal, mais qui suffit à mettre entre parenthèses, les ambitions d’Ousmane Sonko pour la présidentielle du mois prochain.
Le plan B de ce regroupement de partis de l’opposition, en la personne du secrétaire général du Pastef, Bassirou Diomaye Faye, et le cas échéant le plan C du nom du candidat surprise, Habib Sy, seront sans doute immédiatement activés, avec des consignes de vote fermes d’Ousmane Sonko. Probablement, les avocats de l’opposant qui n’ont de cesse de dénoncer une cabale politique montée contre leur client et les militants du Pastef dissous n’ont certainement pas dit leur dernier mot dans ce feuilleton politico-judiciaire de l’été.
Mais les chances de participation de M. Sonko à ce scrutin se sont, au fur et à mesure, étiolées et, depuis cette nuit, elles se sont évanouies. Quelle que soit la procédure judiciaire qui sera initiée, elle n’aura pas le temps d’aboutir avant la validation des dossiers de candidature par le Conseil constitutionnel, voire avant la tenue de l’élection même. Le temps qui est devenu le plus grand adversaire d’Ousmane Sonko et des siens, est devenu, paradoxalement, une arme redoutable au service des adversaires du candidat déchu de ses droits civiques.
Ousmane Sonko n’est peut-être pas fini politiquement, mais sauf rebondissement de dernière minute dont cette affaire semble avoir le secret, il risque bien d’être spectateur, peut-être de première loge, de cette élection qui aura des chances d’ouverture, vu que le président en mandat n’y prendra pas part. Il ne reste plus à Ousmane Sonko, qu’à faire ses prières pour que le gagnant de la présidentielle de février soit de son bord et lui organise un retour en fanfare sur la scène politique.
« Balle de match »
« Ce procès est la balle de match. On est tenus par les délais », avait déclaré à l’audience Me Cheikh Koureyssi Ba, l’un des conseils de l’opposant. « Cette affaire est une opération de liquidation politique d’un adversaire, avec un chronogramme où on compte les jours pour dire que telle personne ne participera pas à l’élection présidentielle. Monsieur le président, j’espère que cette commande politique ne passera pas devant vous », avait estimé Me Massokhna Kane, en clôturant la plaidoirie des avocats de M. Sonko.
Dans une autre procédure, M. Sonko a été déclaré coupable le 1er juin de corruption de la jeunesse et condamné à deux ans de prison ferme. L’opposant ne s’était pas présenté au procès et a été condamné par contumace. L’homme de 49 ans est emprisonné depuis fin juillet sous d’autres chefs d’inculpation, dont appel à l’insurrection, et dénonce toutes ces affaires comme des complots visant à l’écarter de la présidentielle. (KFG/2024)