BAMAKO, 13 FEVRIER (ASPAMNEWS)- Quelques jours après le décret de leurs nominations, les 140 membres du Comité de pilotage du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale ont été installés dans leur fonction. La question de la laïcité apparaît dans l’avant-projet de la nouvelle constitution. Et, la clairvoyance et la sagesse des leaders religieux musulmans et la promptitude des autorités politiques et judiciaires ont permis de la circonscrire.
Avec comme mission principale de faciliter un dialogue ouvert permettant à chaque voix d’être entendue, le but de ce comité, à s’en tenir aux attentes du chef de l’Etat, est de restaurer la paix et de consolider l’unité nationale.
Les Maliens devront cependant trouver la paix dans les limites des principes de respect de la souveraineté du Mali, des choix stratégiques et du choix des partenariats opérés par le pays, ainsi que de la défense des intérêts vitaux du peuple malien dans les décisions prises.
Au cours de ce dialogue, qui sera conduit par les Maliens eux-mêmes sans ingérence extérieure, le Président de la Transition a appelé à une autocritique profonde pour comprendre les causes apparentes et profondes des conflits pour aboutir à une paix durable.
« Ceci exigera de nous un exercice de vérité qui sera le véritable socle de la paix durable que nous recherchons tant », a affirmé le Chef de l’État.
Pas de place pour les ennemis du peuple, a averti le Président Goita tout en se disant intransigeant sur le caractère unitaire et la laïcité de l’État ainsi que l’intégrité territoriale.
« Des esprits sceptiques ou mal intentionnés seraient enclins à croire que ce cadre de dialogue sera un forum de plus. C’est parce que nous, membres du Comité de pilotage, nous sommes convaincus du contraire, que nous avions répondu favorablement et sans réserve à votre appel », a déclaré le Président du Comité, Ousmane Issoufi MAÏGA, avant de promettre de capitaliser sur les résolutions passées, de corriger les insuffisances et de produire des résultats qui reflètent les aspirations de tous les Maliens.
Cependant, lorsque certains juristes évoquent la question de la laïcité, ils ont tendance à imposer les cours de droit appris à la Fac à travers un langage parfois inaccessible au citoyen ordinaire. Très généralement, leur discours sur le sujet est marqué par le droit français dont la perception de la laïcité a pour fondement idéologique et historique.
Depuis la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 jusqu’au 9 décembre 1905, la France traversa un long processus de laïcisation sous forme de déchristianisation de la société. Ce combat sera mené par des intellectuels et personnalités publiques ouvertement anticléricaux comme Gambetta, Jean Jaurès, Jules Ferry…
L’école devient le principal champ de bataille de la laïcisation de la société française. A ce sujet le discours de Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique à la Chambre des députés le 23 décembre 1880 est très édifiant : « Messieurs, le Gouvernement pense que la neutralité religieuse à l’école est un principe nécessaire… Je vous demande de vous tenir dans la doctrine qui est la doctrine de la liberté de conscience, de l’indépendance du pouvoir civil, de l’indépendance de la société civile vis-à-vis de la société religieuse… Nous vous demandons de faire une loi qui établisse la neutralité confessionnelle des écoles ». Ainsi la France, un pays profondément catholique décide de s’écarter de ses racines culturelles.
Le Mali va-t-il suivre le même chemin ?
Certains intellectuels maliens, dont des juristes, sont piégés par la perception strictement française de la laïcité qui fait polémique au Mali.
En tout cas, certains leaders religieux musulmans du Mali rejettent et fustigent cette perception de la laïcité à la française. Ils la présentent comme contraire aux valeurs et préceptes de l’islam, une des religions du Mali.
Pour eux, la neutralité religieuse de la République est une forme de négation de la religion dans la République qu’un bon musulman ne saurait accepter. Il faut reconnaitre que de même que la langue, la religion un élément définitoire de l’identité.
Mais une troisième perception plutôt conciliante de la laïcité reflétant la société malienne dans sa diversité et sa pluralité est inscrite en bonne et due forme dans l’avant-projet de la nouvelle constitution.
Dans le préambule du texte il est dit : « Le peuple souverain du Mali,… réaffirme son attachement à la forme républicaine et à la laïcité de l’État et en son article 32 le texte précise : « La laïcité a pour objectif de promouvoir et conforter le vivre ensemble dans la société, fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle. Pour l’application de ce principe, l’État garantit le respect de toutes les croyances ainsi que la liberté de conscience, de religions et de libre exercice des cultes ». Le texte fait ainsi la synthèse de la laïcité à la malienne.
Musulman, chrétien, adepte du culte des ancestrales, pratiquant d’autres formes de spiritualité, athée, …, tous sont d’abord et avant tout Maliens ! Et le Mali n’est la propriété exclusive d’aucune communauté confessionnelle.
Aucune confession, quel que soit le nombre de ses adeptes, ne doit imposer ses préceptes au reste de la population. Et aucun Malien ne doit être empêché de pratiquer ce en quoi il croit ou contraint de se conformer à ce en quoi il ne croit pas.
Malgré tout, la polémique sur le sujet de la laïcité au Mali est entretenue par ceux qui veulent la remplacer par autre chose et ceux qui veulent l’utiliser à d’autres fins. De toute façon, le Malien est profondément laïc c’est-à-dire tolérant, respectueux des autres confessions et acceptant de vivre pacifiquement avec les autres. (THP/2024)