RIO DE JANEIRO, 26 FEVRIER (ASPAMNEWS)-Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées ce dimanche 25 février à São Paulo en soutien à l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro, de quoi tester sa popularité en plein scandale sur des soupçons de « tentative de coup d’Etat ». Vêtus de vert et de jaune, les couleurs du Brésil, les manifestants affluent vers l’avenue Paulista, artère emblématique de la plus grande métropole d’Amérique Latine. L’ancien président a pris la parole lors de ce rassemblement où les organisateurs attendaient 500.000 personnes.
Baroud d’honneur ou sursaut politique ? Acculé par les enquêtes de justice et sérieusement menacé de prison, Jair Bolsonaro a pris, dimanche 25 février, la tête d’une grande manifestation de soutien à sa propre personne. Organisée sur l’avenue Paulista de Sao Paulo, elle a réuni plusieurs dizaines voire centaines de milliers de militants d’extrême droite parés de maillots de la Seleçao, l’équipe nationale de football.
Des bolsonaristes de tout le pays ont répondu à l’appel de leur leader. « On n’allait pas laisser tomber notre capitaine à un moment si difficile pour lui ! », proclame Antonio Carlos. A 76 ans, ce militant chevronné et barbu a passé vingt heures dans un bus parti de sa ville de Linhares, située à plus à 1 000 kilomètres, pour apercevoir son champion. « Les juges veulent emprisonner Bolsonaro car, justement, c’est un honnête homme ! », croit-il dur comme fer.
«Nous ne pouvons pas accepter qu’un pouvoir quelconque puisse écarter quelqu’un de la scène politique, à moins que ce ne soit pour une raison valable. Nous ne pouvons pas envisager des élections en disqualifiant les opposants», a-t-il lancé devant la foule de ses partisans. L’ancien président, vêtu d’un maillot jaune de la sélection de football du Brésil, un symbole que se sont approprié les bolsonaristes, a été déclaré l’an dernier inéligible jusqu’en 2030 pour désinformation.
« On est aussi là pour défendre notre liberté : le Brésil est en train de sombrer dans la dictature ! », poursuit Antonio Carlos, qui fulmine contre l’opération de police ayant visé, le 8 février, Jair Bolsonaro et ses proches, soupçonnés d’avoir tenté d’organiser un putsch en 2022 afin de renverser les résultats de la présidentielle remportée par Luiz Inaco Lula da Silva. « Tout ça, ce sont des bobards. Bolsonaro est victime de persécutions ! », tranche le septuagénaire.
Afin de ne pas prêter le flanc aux accusations en justice, ordre a été donné aux manifestants de ne brandir aucune pancarte sur la Paulista. L’événement a même été décrit comme une « belle fête de la démocratie » par son organisateur officiel, le pasteur évangélique d’extrême droite Silas Malafaia. Symboliquement, un homme déguisé en ange aux ailes nacrées se tient à proximité de l’estrade principale.
«Je cherche la pacification»
Visé par une enquête sur une supposée «tentative de coup d’État» pour conjurer sa défaite électorale en 2022 face à l’actuel prsident de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, il a de nouveau nié toute implication.
«Qu’est-ce qu’un coup d’État ? Des chars dans les rues, des armes, des complots. Rien de tout cela ne s’est produit au Brésil», a-t-il lancé, demandant en outre «une amnistie pour les pauvres bougres qui sont emprisonnés à Brasilia» après avoir saccagé les lieux du pouvoir le 8 janvier 2023, une semaine après l’investiture de Lula. Dans son discours, il s’est en outre à nouveau dit «persécuté». «Je cherche la pacification, à effacer le passé et trouver le moyen de vivre en paix», a-t-il assuré.
«Il représente Dieu, la patrie et la famille»
Dans la foule, Wilson Aseka, qui a parcouru quelque 700 kilomètres depuis l’État voisin du Minas Gerais est certain que «Bolsonaro est une personne honnête, une victime de la persécution». L’homme de 63 ans, drapeau brésilien autour du cou, estime qu’il est «important de le soutenir, car il représente Dieu, la patrie et la famille», le slogan de l’ancien président.
Le 8 février, Bolsonaro s’est vu interdire de quitter le territoire brésilien à l’issue d’une opération policière de grande ampleur qui a visé plusieurs anciens proches collaborateurs, dont des ex-ministres et des militaires haut gradés, avec des dizaines de perquisitions et des arrestations.
Jair Bolsonaro, qui se dit victime de «persécution», a gardé le silence jeudi face aux enquêteurs de la Police fédérale qui l’avaient convoqué dans le cadre de cette affaire. Il a suivi le conseil de ses avocats, qui disent ne pas avoir eu accès à certaines pièces du dossier.
Mais l’ancien capitaine de l’armée a affirmé haut et fort qu’il comptait «se défendre des accusations» dont il fait l’objet lors de la manifestation à São Paulo. Il est également visé par d’autres enquêtes, notamment pour des soupçons de falsification de certificats de vaccination contre le Covid-19 ou le détournement présumé de cadeaux reçus de pays étrangers, dont des bijoux offerts par l’Arabie saoudite.
Inéligible jusqu’en 2030
Malgré ces scandales, Jair Bolsonaro est toujours considéré comme le leader de l’opposition, et reste adulé par ses partisans. Même s’il a été déclaré inéligible jusqu’en 2030 l’an dernier pour désinformation, l’ex-président compte jouer de son influence pour faire élire des alliés lors du scrutin municipal d’octobre, dans un pays encore très polarisé.
Sur l’avenue Paulista, au-delà de l’affluence de ses partisans, la présence de personnalités politiques de l’opposition devrait permettre de jauger l’ampleur de ses soutiens. «S’il y a une grande adhésion, il pourra dire que le peuple est avec lui. Dans le cas contraire, il perdra toute légitimité», estime André Rosa, politologue de l’Université de Brasilia (UDF).
«Le 25, j’y vais, pour le Brésil. Ce sera gigantesque!» a publié sur X (ex-Twitter) la députée Bia Kicis, du Parti Libéral de Bolsonaro. La manifestation est organisée entre autres par le pasteur Silas Malafaia, très influent parmi les millions de Brésiliens évangéliques, une des bases de l’électoral bolsonariste.
Drapeaux israéliens
Jair Bolsonaro a demandé à ses partisans de venir «en jaune et vert», mais «sans apporter de pancartes ni banderoles contre quiconque». Durant son mandat, de nombreuses manifestations de soutien étaient marquées par des slogans contre les institutions brésiliennes, notamment la Cour suprême.
C’est un juge de cette haute cour, Alexandre de Moraes, qui a autorisé l’opération policière dans le cadre de l’enquête sur la «tentative de coup d’État». Le 8 janvier 2023, une semaine après l’investiture de Lula, des milliers de ses partisans avaient saccagé les lieux de pouvoir à Brasilia, dont la Cour suprême.
Des drapeaux israéliens flottent également sur l’avenue Paulista, en signe de désaccord avec les propos de Lula qui a comparé dimanche dernier l’offensive isrélienne à Gaza à la Shoah, provoquant une crise diplomatique avec Israël. (STK/2024)