27 MARS (ASPAMNEWS)-Les amabilités échangées à Genève, en juin 2021, semblent bien loin. Samedi 26 mars, en visite en Pologne, le président américain Joe Biden a qualifié Vladimir Poutine de « boucher », alors que ce dernier a ordonné l’invasion de l’Ukraine le 24 février dernier. Quelques heures plus tard, celui qui l’a déjà qualifié de « criminel de guerre », décochait une nouvelle attaque dans un discours en lançant : « Pour l’amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir ». Il faut dire que, depuis qu’il le fréquente, le dirigeant américain n’a jamais ménagé – c’est un euphémisme – le maitre du Kremlin. Et ce, bien avant de devenir président des États-Unis.
Dès 2011, Joe Biden – vice-président – avait frontalement attaqué le président russe. « Je ne pense pas que vous ayez une âme », avait-il lancé à Poutine. Une référence directe à une déclaration faite par George W. Bush, qui assurait en 2001 avoir pu se faire « une idée de l’âme de Vladimir Poutine » après une rencontre bilatérale. En tout cas, depuis cette rencontre, jamais les discussions entre Biden et Poutine n’ont été franchement chaleureuses.
Le 16 juin 2021, les présidents des deux grandes puissances mondiales avaient quand même essayé de réchauffer leurs relations en organisant un sommet à Genève, en Suisse. Sur un ton convenu et avec déclarations soigneusement préparées, Joe Biden avait assuré que la Russie « ne cherchait pas une Guerre froide ». Dans le même temps, Poutine saluait une rencontre aux tonalités « positives ».
Trois mois plus tôt, Joe Biden avait qualifié le chef du Kremlin de « tueur » tout en menaçant ce dernier de lui faire « payer les conséquences » d’une éventuelle ingérence dans les élections américaines.« C’est celui qui le dit qui l’est. Ce n’est pas juste une expression enfantine, une blague […], nous voyons toujours en l’autre nos propres caractéristiques », avait répondu Moscou.
Dès son arrivée à la Maison Blanche, le président Biden s’était montré très critique vis-à-vis du régime russe. « J’ai clairement dit au président Poutine (…) que le temps où les États-Unis se soumettaient aux actes agressifs de la Russie (…) était révolu », avait-il expliqué. Le Kremlin jugeant cette position « très agressive ». Le 2 mars dernier, moins d’une semaine après l’invasion russe en Ukraine, Joe Biden avait qualifié son homologue de « dictateur », lors de son discours sur l’état de l’Union face aux parlementaires américains.
Biden et Poutine : deux hommes forgés par la Guerre froide
Mais pourquoi s’entendent-ils aussi mal ? Vladimir Poutine, devenu aujourd’hui l’homme fort de la Russie, s’est construit dans l’Union soviétique (URSS) et un contexte de Guerre froide. Celui-ci devenant même officier du KGB – les services secrets du pays – dans les années 1980 et jusqu’à la chute du mur de Berlin et l’explosion de l’URSS en 1991. Une période chère au cœur de Vladimir Poutine, ce dernier multipliant par exemple les références à l’Histoire de son pays lors de sa déclaration de guerre à l’Ukraine, le 24 février dernier.
Le ressentiment éprouvé vis-à-vis des Américains est ancré dans la tête du maître du Kremlin. Bill Clinton jouera la carte de la proximité et de l’amicalité, sans succès. George W. Bush exacerbera les tensions en permettant à d’anciens pays communistes de rejoindre l’Otan. Barack Obama, lui, échouera à rebâtir les relations russo-américaines. Seule différence, la position adoptée par Donald Trump qui prônait de larges rapprochements avec Moscou. Une attitude qui lui vaudra d’être taxé de « caniche de Poutine », par son adversaire Joe Biden. Tout sauf un compliment.
De son côté, l’inusable Biden était déjà dans les sphères du pouvoir américain au moment de la dislocation du régime communiste et de la dislocation de l’Union soviétique. L’actuel locataire de la Maison Blanche est devenu sénateur dès 1973 et président de la puissante commission judiciaire, en 1987.
Deux parcours différents, certes, mais deux parcours intimement liés à la Guerre froide. Deux parcours qui résonnent avec les positions aujourd’hui complètement opposées de ces dirigeants : sentiment « d’humiliation » pour l’un, défense d’un idéal démocratique pour l’autre. (KLY/2022)