20 FÉVRIER (ASPAMNEWS)-La Conférence des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) maintient « les sanctions existantes » contre le Burkina Faso, le Mali et la Guinée. Ces mesures ont été confirmées le 18 février 2023 lors de la 36e session ordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine à Addis Abeba
L’instance dirigeante de l’Organisation régionale, a décidé de « maintenir les sanctions existantes à l’encontre des trois pays et d’imposer une interdiction de voyager aux membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires des trois pays », lit-on dans le communiqué.
Une décision qui sonne une réponse au mini-sommet tenu le 9 février à Ouagadougou par les ministres des Affaires étrangères du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso. Pour les chefs de la diplomatie de ces trois pays, ces sanctions « ne tiennent pas compte des causes profondes et complexes des changements politiques », estimant que « ces décisions de suspension empêchent la participation de leurs pays aux instances statutaires de la Cédéao et de l’Union Africaine et particulièrement celles traitant des défis majeurs auxquels ils sont les plus concernés tels l’insécurité, les questions humanitaires et de développement économique durable ».
Dans leur communiqué, ils indiquent aussi que ces décisions privent la « Cédéao et l’Union africaine de la contribution des trois pays nécessaires pour relever les défis majeurs » et « portent atteinte à la solidarité sous régionale et africaine qui constitue le principe cardinal de l’intégration de la coopération régionale et continentale ». Des arguments n’ont pas attendri la Cédéao qui, en plus de rester sur sa position, « invite à l’Union africaine et tous les partenaires internationaux à appuyer la mise en œuvre » de ses décisions concernant ces trois pays.
Au Mali, des colonels ont renversé, en août 2020, Ibrahim Boubacar Keita dit IBK, alors fragilisé par une série de manifestations du Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Ces mêmes militaires ont « rectifié » la transition issue de ce putsch neuf mois plus tard avant d’installer l’un des leurs, le colonel Assimi Goïta au pouvoir.
A la tête du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), le colonel Mamadi Doumbouya, ancien chef du Groupement des forces spéciales de Guinée, a déposé Alpha Condé le 5 septembre 2021. Neuf mois plus tôt, le président déchu venait d’être réélu pour un troisième mandat controversé.
En janvier 2022, Roch March Christian Kaboré fait les frais de la détérioration de la situation sécuritaire au Burkina Faso. Son tombeur, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba n’a tenu que huit mois plus tard avant d’être à son tour destitué huit mois par ses camarades du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) lors d’un putsch mené par le capitaine Ibrahim Traoré par un officier subalterne.
Communiqué final du Sommet extraordinaire de la Cedeao sur la situation en Guinee, au Burkina Faso et au Mali.
En marge du sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba, les Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO ont tenu le samedi 18 février 2023 un sommet extraordinaire. L’objectif de cette conférence était pour faire le point sur le processus de transition dans les Républiques du Burkina Faso, de Guinée et du Mali.
1. La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a convoqué un Sommet Extraordinaire en marge de la 36ème Session Ordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine à Addis-Abeba (Éthiopie) le 18 février 2023, sous la présidence de S.E. Umaro Sissoco EMBALÓ, Président de la République de Guinée-Bissau et Président en exercice de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO.
2. Ce Sommet extraordinaire a été convoqué pour examiner les progrès réalisés dans les processus de transition au Burkina Faso, en Guinée et au Mali, ainsi que l’état de préparation des élections au Nigeria, en Sierra Leone et au Liberia. Ledit Sommet a également délibéré sur l’état d’avancement de la mise en place d’une force régionale de lutte contre le terrorisme dont le mandat doit inclure la restauration de l’ordre constitutionnel. Il a également examiné le rapport de la 23ème session du Dialogue politique entre la CEDEAO et l’UE au niveau ministériel, tenue à Bruxelles, les 6 et 7 février 2023.
3. Les Chefs d’État suivants ou leurs représentants dûment mandatés ont participé au Sommet Extraordinaire :
- S.E. Jose Maria NEVES, Président de la République du Cabo Verde ;
- S.E. Nana Addo Dankwa AKUFO-ADDO, Président de la République du Ghana ;
- S.E. Umaro Sissoco EMBALO, Président de la République de Guinée-Bissau;
- S.E. Mohamed BAZOUM, Président de la République du Niger ;
- S.E. Julius Maada BIO, Président de la République de Sierra Leone ;
- S.E. Tiémoko Meyliet KONÉ, Vice-Président de la République de Côte d’Ivoire ;
- S.E. Aurélin AGBÉNONCI, Ministre des affaires étrangères de la République du Bénin ;
- S.E. Mamadou TANGARA, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Gambie ;
- S.E. l’Ambassadeur Dee-Maxwell SAAH KEMAYAH, Ministre des affaires étrangères de la République du Liberia ;
- S.E. Geoffrey ONYEAMA, Ministre des affaires étrangères de la République fédérale du Nigéria ;
- SE. Madame Aïssata TALL SALL, Ministre des affaires étrangères et des sénégalais de l’extérieur, de la République du Sénégal ;
- M. Batengue BANKOTINE, Représentant permanent du Togo auprès de l’Union africaine (UA).
4. Ont également participé au présent sommet :
- S.E. M. Mahamadou ISSOUFOU, Médiateur de la CEDEAO pour le Burkina Faso, ancien Président de la République du Niger ;
- S.E. M. Boni YAYI, Médiateur de la CEDEAO pour la Guinée, ancien Président de la République du Bénin ;
- S.E. Dr Omar Alieu TOURAY, Président de la Commission de la CEDEAO ;
- M. El Ghassim WANE, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali et Chef de la MINUSMA ; et
- M. Maman Sambo SIDIKOU, Haut Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel.
5. Les Chefs d’État et de Gouvernement ont examiné les rapports présentés par les Médiateurs de la CEDEAO pour le Burkina Faso, la Guinée et le Mali.
6. Ils ont également examiné le Mémorandum faisant le point sur les processus de transition et les processus électoraux dans la région présenté par E. Dr Omar Alieu TOURAY, Président de la Commission de la CEDEAO.
8. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO exprime sa gratitude à tous les Chefs d’État qui ont joué un rôle crucial dans la libération des quarante-neuf (49) soldats ivoiriens détenus au Mali.
TRANSITIONS
9. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement prend note des rapports présentés sur la mise en œuvre des feuilles de route de transition au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Elle note également avec préoccupation les graves défis humanitaires et sécuritaires dans les trois pays, en particulier au Burkina et au Mali. La Conférence donne instruction à la Commission de suivre les progrès réalisés dans la mise en œuvre des différentes feuilles de route de transition, en étroite collaboration avec les médiateurs de la CEDEAO, et d’en rendre compte au prochain somme
Burkina Faso
10. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement prend note du rapport présenté par le Médiateur de la CEDEAO et salue la signature d’un protocole d’accord entre le Burkina Faso et la CEDEAO sur la mise en place du mécanisme de suivi et d’évaluation du calendrier de transition de 24 mois dans le pays.
11. À l’endroit des partenaires internationaux, la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement réitère son appel à mobiliser les ressources nécessaires pour compléter les efforts de la CEDEAO et des autorités nationales en vue de relever les défis socio-politiques, sécuritaires et humanitaires auquel le pays est confronté. La Conférence instruit la Commission de la CEDEAO de coordonner l’appui des partenaires.
Guinée
12. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement attire l’attention sur le chronogramme consolidé de transition de 24 mois couvrant les dix (10) domaines prioritaires élaborés conjointement avec la CEDEAO à l’intention des autorités de transition.
13. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement invite le gouvernement de transition à respecter l’esprit de l’accord signé le 21 octobre 2022 à Conakry entre la CEDEAO et la République de Guinée concernant la mise en place du comité conjoint de suivi et d’évaluation, et de s’abstenir de toute action unilatérale à même de saper l’esprit de collaboration des deux côtés.
14. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement exhorte vivement les autorités guinéennes à mener un dialogue national inclusif avec l’ensemble des acteurs politiques et à garantir la sécurité et la liberté de tous les participants et instruit le Président de la Commission de la CEDEAO d’accompagner le processus.
15. La Conférence des chefs d’État et de gouvernement instruit le Médiateur et la Commission de la CEDEAO de poursuivre la collaboration avec les autorités et de veiller à la pleine mise en œuvre de la feuille de route de transition.
Mali
16. La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement prend note du contenu du rapport sur le processus de transition et de la mise en place d’un Mécanisme conjoint de suivi et d’évaluation du chronogramme de transition comprenant le gouvernement, la CEDEAO, l’UA, l’ONU, le Médiateur de la CEDEAO, un Comité de pilotage, et un Comité technique. La Conférence donne instruction au Président de la Commission de continuer à soutenir un processus inclusif de transition au Mali et de tenir les Chefs d’État informés.
II. DEMANDE CONJOINTE DE LEVÉE DES SANCTIONS
17. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement a été informée de la demande à elle adressée par les Ministres des affaires étrangères du Burkina Faso, de la Guinée et du Mali, portant sur la levée des sanctions qui leur ont été imposées à la suite de leurs coups d’état respectifs.
18. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement décide de maintenir les sanctions existantes à l’encontre des trois pays et d’imposer une interdiction de voyager aux membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires des trois pays.
19. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement rejette totalement les mesures unilatérales prises par les autorités de transition en Guinée, en ce qui concerne la mise en œuvre de la feuille de route de transition.
20. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement réitère la nécessité d’ouvrir l’espace politique à tous les acteurs des trois pays et d’assurer un dialogue politique inclusif.
21. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement instruit le Président de la Commission de la CEDEAO d’accompagner la mise en œuvre des feuilles de route de la transition et de renforcer l’appui sécuritaire et humanitaire aux pays touchés, dans le but d’atténuer les souffrances des populations.
22. La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement invite les Nations unies, l’Union africaine et tous les partenaires internationaux à appuyer la mise en œuvre des décisions de la CEDEAO concernant les trois pays.
III. SUR LES PROCESSUS ÉLECTORAUX
23. Les Chefs d’État et de gouvernement prennent note des progrès réalisés et des défis rencontrés dans le processus électoral des trois pays qui organisent des scrutins présidentiels en 2023 à savoir, le Nigéria, la Sierra Leone et le Liberia.
24. La Conférence instruit la Commission de la CEDEAO d’accélérer l’examen du Protocole additionnel de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance et d’assurer la réalisation de ce projet, en vue de renforcer la conduite démocratique et la stabilité dans la région.
Nigeria
25. La Conférence félicite le Gouvernement de la République fédérale du Nigéria des efforts déployés jusqu’ici en vue de garantir un environnement permettant la conduite saine et pacifique des élections générales. Les Chefs d’État et de gouvernement instruisent le Président de la Commission de fournir l’assistance technique nécessaire dans le cadre de l’appui aux élections générales à travers le déploiement de missions d’observation à court et à long termes.
Sierra Leone
26. Les Chefs d’État et de gouvernement exhortent le gouvernement Sierra- léonais à intensifier ses efforts visant à promouvoir un dialogue politique inclusif avec toutes les parties prenantes en vue renforcer la crédibilité du processus électoral en cours.
27. Les Chefs d’État et de gouvernement donnent instruction au Président de la Commission de déployer le conseil des sages afin d’effectuer une mission de bons offices en prélude aux élections en Sierra Leone.
Liberia
28. Les Chefs d’État et de gouvernement instruisent le Président de la Commission de déployer une mission technique pour mener des concertations avec les partis politiques et les principaux acteurs, y compris la société civile, afin de favoriser le déroulement paisible du scrutin.
III. POINT SUR LA CRÉATION D’UNE FORCE RÉGIONALE DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET DE RESTAURATION DE L’ORDRE CONSTITUTIONNEL
29. Les Chefs d’État ont été informés des conclusions de la réunion extraordinaire du Comité des Chefs d’état-major de la défense et des chefs de service de renseignement des États membres de la CEDEAO dans le but de créer une force régionale de lutte contre le terrorisme et de rétablissement de l’ordre constitutionnel. Les travaux se sont déroulés à Bissau, en République de Guinée-Bissau, le 19 décembre 2022. Les Chefs d’État et de gouvernement prennent note des avancées en termes d’efforts visant à mettre en place une force régionale de lutte contre le terrorisme et à prévenir les changements de gouvernement par des voies non constitutionnelles. À cet effet, la Conférence instruit le Président de la Commission de mener les concertations sur les perspectives, avec tous les États membres, en particulier ceux qui sont gravement touchés par la situation.
30. Les Chefs d’État et de gouvernement instruisent le Président de la Commission de la CEDEAO d’engager le dialogue avec les États membres en vue d’un accord sur les modalités de mobilisation d’un (1) milliard de dollars des États-Unis représentant le montant des contributions obligatoires aux efforts de lutte contre le terrorisme dans le cadre du plan d’action 2020-2024.
31. La Conférence réitère sa grave préoccupation quant au flux d’armes et de munitions illicites, ainsi que des engins explosifs improvisés et des véhicules aériens sans pilote entrant dans la région, ce qui a permis aux extrémistes violents et aux groupes terroristes et autres groupes armés d’accroître leur emprise sur de vastes étendues de territoire et de terroriser les communautés. Les Chefs d’État et de gouvernement condamnent fermement les entités qui financent et favorisent le terrorisme dans la région et les exhortent à s’abstenir de ces actes ignobles.
32. La Conférence a été informée des conclusions de la 23ème réunion de dialogue politique entre l’UE et la CEDEAO au niveau ministériel.
33. Les Chefs d’État et de gouvernement expriment leur profonde gratitude à E. Umaro Sissoco EMBALÓ, Président de la République de Guinée-Bissau et Président en exercice de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO pour son leadership dans la réussite du Sommet.
34. Fait à Addis-Abeba, le 18 février 2023.
POUR LA CONFÉRENCE
S.E. Général Umaro Sissoco EMBALÓ