BAMAKO, 8 FEVRIER (ASPAMNEWS)- De nombreux experts ont reconnu que la décision du Burkina, du Mali et du Niger de se retirer de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) va beaucoup peser sur la confiance des entreprises, notamment en termes d’investissement. Ce qui est une potentielle entrave à la croissance économique de ces Etats et de la sous-région. Pour le mettre en confiance, le Premier ministre a rencontré le secteur privé malien mercredi dernier (31 janvier 2024) au CICB. Mais, on a plutôt senti des opérateurs économiques partagés entre scepticisme et patriotisme.
Réunions de la Cédéao en l’absence du Burkina, du Mali et du Niger ; menaces sans raisons ; sanctions injustes et inefficaces ; embargo injuste, illégal et illégitime imposé au peuple nigérien… Autant de raisons qui ont fini par semer «un sérieux doute sur son autonomie d’action vis-à-vis de puissances étrangères», a expliqué aux opérateurs économiques maliens Dr Choguel Kokalla Maïga lors de leur rencontre mercredi dernier (31 janvier 2024) au CICB.
Il s’est appesanti sur «une accumulation d’actes inamicaux» ayant rendu «inévitable le retrait des États qui subissaient au quotidien l’injustice, l’acharnement et l’hostilité d’une organisation à l’avènement de laquelle ils ont contribué».
Le chef du gouvernement a assuré ses interlocuteurs que ce retrait est «une décision mûrement réfléchie et prise en toute responsabilité…». Elle marque la méfiance vis-à-vis d’une organisation qui s’est progressivement éloignée «des idéaux» de ses pères fondateurs et du «panafricanisme» qui est dans l’ADN politique du Mali.
Selon Choguel, ce retrait va permettre aux trois pays de définir des politiques commerciales «optimales et plus avantageuses», d’avoir la liberté de décision au plan politique et économique, de nouer et signer des accords bilatéraux et multilatéraux. Il a profité de l’occasion pour appeler les Etats de l’AES à «mutualiser leurs intelligences et leurs ressources».
Quid de l’inquiétude perceptible chez les opérateurs économiques maliens voire de l’AES ! «Toutes les grandes nations se sont construites dans la douleur. Nous sommes à cette étape et nous gagnerons cette bataille de souveraineté avec l’engagement de toutes et de tous», a déclaré Dr Choguel Kokalla Maïga en exhortant Maliens, Nigériens et Burkinabé à rester confiants et sereins.
Il a rappelé que, pour minimiser d’éventuels impacts négatifs de cette décision politique, le Conseil des ministres extraordinaire du 29 janvier 2024 a décidé de la mise en place d’un comité de pilotage de haut niveau afin d’exploiter cette décision comme «une opportunité de développement, de plus de croissance économique, de paix, de stabilité et de réaffirmation de la souveraineté».
Et cela d’autant plus que l’AES comptait plus de 70 millions d’habitants en 2022 et son poids économique est important avec des échanges conséquents entre les trois États qui restent membres de l’Union économique et monétaire des Etats de l’Afrique de l’ouest (UEMOA).
A ce titre, ils bénéficient de la liberté de circulation au sein de cette organisation et de l’accès à la mer. Un accès aussi possible du côté de la République de Guinée et de la République islamique de la Mauritanie. Le Chef du gouvernement n’a pas manqué de rappeler et de saluer la «contribution exceptionnelle» des opérateurs économiques qui n’ont ménagé aucun effort pendant l’embargo subi par le Mali.
«Si notre pays a pu tenir, c’est grâce à vous. Si notre pays continue à être résilient, c’est aussi grâce au dynamisme et à l’engagement de son secteur privé», a-t-il reconnu. Le Premier ministre n’a pas caché sa conviction que la réussite de la décision du gouvernement dépend du secteur privé. Il l’a donc encouragé à agir sans hésitation ni tergiversations et à ne rien craindre. A-t-il réussi à balayer les craintes du secteur privé par rapport à cette décision qui n’est pas opportune pour tout le monde ? Ce n’est pas évident.
Les présidents du Conseil national du patronat malien (CNPM) et de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali CCIM, respectivement MM. Mossadeck Bally et Mandjou Simpara, ont confié à la presse qu’ils prennent acte de la décision de retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Cédéao. Ils prévoient à l’interne des rencontres pour évaluer avec sérénité les conséquences de ce retrait afin de formuler des propositions au gouvernement. Ils se sont ainsi engagés à consulter toutes les parties prenantes pour mieux évaluer la situation.
Mais, à bien écouter le PM, la décision gouvernementale est «déjà prise». Ce n’est pas sans doute les réserves des opérateurs économiques, partagés entre scepticisme et patriotisme, qui vont le contraindre à y renoncer.
CEDEAO : «Une menace pour nos pays», dixit Dr Choguel Kokalla Maïga
«La Cédéao est devenue une menace pour nos pays, car son dessein lugubre consistait à provoquer l’effondrement de nos états pour satisfaire les intérêts de puissances étrangères, sponsors notoires du terrorisme» ! C’est ce qu’a défendu le Premier ministre de la Transition, Dr Choguel Kokalla Maïga, lors de sa rencontre avec le secteur privé mercredi dernier (31 janvier 2024) au CICB.
Il a ajouté que cette organisation «a brillé par son manque d’empathie, de solidarité et de vision stratégique» face au terrorisme auquel sont confrontés les trois Etats considérés comme des «digues de protection pour les États de la côte ouest».
«Progressivement, la Cédéao est devenue une menace pour nos pays, car son dessein lugubre consistait clairement à mettre à genoux nos pays, à susciter des remous sociopolitiques, à provoquer des changements politiques et l’effondrement de nos États pour satisfaire les intérêts de puissances étrangères, de puissances extracommunautaires et extra-africaines connues comme étant des sponsors notoires du terrorisme au Sahel», a déploré le chef du gouvernement.
Vu sous ce prisme, le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de l’organisation sous-régionale est amplement justifié. «Le Mali est la mère de la Cédéao. En cas de difficultés, la maman est la dernière à laisser tomber son enfant. Mais, si la fille veut tuer sa maman, celle-ci se cherche», a précisé Dr Choguel K. Maïga.
Une menace pour l’économie de la sous-région selon Moody’s
Le Mali, le Burkina et le Niger sont trois pays riches en ressources minières, notamment l’or qui est la garantie monétaire des banques centrales. Ce qui amènent des experts à craindre que leur retrait de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ait un «impact très négatif» sur la croissance économique de la sous-région.
C’est en tout cas le point de vue de l’Agence de notation Moody’s, une entreprise spécialisée dans les solutions de gestion des risques et l’analyse financière d’entreprises commerciales ou d’organes gouvernementaux. Elle est également connue pour ses notations financières standardisées des grandes entreprises en fonction du risque et de la valeur de l’investissement.
Cette agence estime que le retrait des trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) pourrait perturber les flux commerciaux et ceux des services de la sous-région. Cette décision pourrait également peser sur la confiance des entreprises, entravant potentiellement la croissance économique de la Cédéao.
Et, a précisé Moody’s, la situation pourrait encore s’aggraver si le trio décide également de quitter l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Ce qui, heureusement, n’est pas pour le moment envisagé si l’on s’en tient à une récente déclaration de M. Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali.
L’Uémoa regroupe 8 pays de la Cédéao et dispose d’une monnaie commune, le franc CFA. Le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de cette organisation, selon des économistes, pourrait par exemple entraîner la dévaluation du franc CFA. (HGT/2024)